Alors lorsqu'on se demande si les dénationalisations s'inscrivent dans une logique idéologique ou budgétaire, on ne peut appréhender les dénationalisations dans leur ensemble tant celles opérées en 1986 se distinguent de celles engagées à partir de 1993. Certes, les deux vagues de dénationalisation puisent leur inspiration dans le même mouvement idéologique de remise en cause de l'Etat - providence et de contestation des modèles keynésiens, mais celui-ci était beaucoup plus affirmé en 1986 qu'il ne l'a été par la suite. ; d'autant que la logique budgétaire qui sous-tendait une telle approche a peu à peu été dévoyée et que la dénationalisation a pu paradoxalement se traduire par un certain renforcement du rôle de l'Etat
[...] C'est que, au-delà de son empreinte idéologique, une telle politique vise trois objectifs : outre la volonté de développer l'actionnariat populaire et d'accroître l'efficience des firmes, elle doit permettre de renflouer les caisses publiques, objectif premier de toutes les politiques économiques depuis 1983. Alors lorsqu'on se demande si les dénationalisations s'inscrivent dans une logique idéologique ou budgétaire, on ne peut appréhender les dénationalisations dans leur ensemble tant celles opérées en 1986 se distinguent de celles engagées à partir de 1993. [...]
[...] Par ailleurs, la présence de l'Etat est jugée difficilement compatible avec l'ouverture des frontières qui, accompagnée d'une intensification de la concurrence, requiert des entreprises une capacité à nouer aisément des stratégies d'alliance qui présentent trois qualités majeures : permettre aux grandes firmes françaises de maîtriser les incidences du processus de concentration tenu pour inévitable ; résister aux effets des aléas conjoncturels, en considérant que le procédé de l'internationalisation apparaît plus adapté que celui de la diversification ; pénétrer de nouveaux marchés internationaux. Avec le passage des néo-gaullistes Edouard BALLADUR et Alain JUPPE à Matignon sont alors dénationalisés de grands groupes : la B.N.P. en 1993 ; Elf Aquitaine et U.A.P. en 1994 ; les A.G.F. [...]
[...] D'autres, paradoxalement, soulignent le caractère interventionniste que suppose cette politique en considérant que, loin de s'inscrire dans une alternative secteur public / secteur privé, les dénationalisations ont donné naissance à une catégorie intermédiaire d'entreprises. [...]
[...] Si les dénationalisations engagées s'inscrivent dans le sillage idéologique des opérations de 1986-1988, elles sont avant tout placées sous le signe de nécessités pratiques. Le temps des dénationalisations triomphantes de 1986 est passé et le gouvernement dirigé par Edouard BALLADUR se propose simplement de tirer les enseignements de ce qui s'est présenté comme un constat : l'Etat en serait venu à être pour les entreprises publiques un partenaire à la fois puissant et encombrant. Comme en 1986, les rigidités budgétaires sont mises en avant pour établir l'inaptitude de l'Etat à accompagner l'expansion des groupes publics : incapable de jouer un rôle d'investisseur dans des conditions satisfaisantes en engageant des capitaux dont la rentabilité n'est pas instantanée, la puissance publique ne pourrait plus assumer cette vision du long terme qui semblait la distinguer d'opérateurs privés réputés frileux. [...]
[...] Les recettes de dénationalisation ont été ainsi progressivement banalisées, en deux étapes. D'abord, en 1992, ces recettes sont utilisées pour des dépenses dites exceptionnelles en faveur de l'emploi ; cette pratique nouvelle a été entérinée par la loi de Finances pour 1993. Ensuite, ces recettes sont portées au budget général à hauteur de 18 milliards par la loi de Finances rectificative de juin 1993, et de 50 milliards pour la loi de Finances pour 1994 par le gouvernement BALLADUR. On constate une réelle continuité par delà les clivages partisans puisque le gouvernement JOSPIN a poursuivi la même politique : dans le projet de loi de Finances voté le 20 novembre 2002, sur les 236 milliards d'euros de recettes milliards proviennent des nationalisations encaissées en 5 ans par le Premier ministre socialiste. [...]
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