Selon une étude de l'OCDE publiée en mars dernier l'Europe, tirée vers le bas par la France et l'Allemagne, est en train de perdre la bataille de l'éducation, alors que celle-ci est, selon les auteurs du rapport, une arme décisive dans la nouvelle compétition économique avec la Chine et l'Inde. Or, les dépenses d'éducation en France (soit 7,1% du PIB en 2003, 6600 euros par élève ou étudiant) et dans la moyenne des pays de l'OCDE sont élevées et il convient donc de se demander pourquoi le système éducatif français est jugé peu rentable alors que les dépenses publiques qui y sont consacrées représentent une part importante du PIB. Deux questions se posent donc : Il s'agit d'une part de savoir si l'éducation permet de produire plus de richesses, et d'autre part à travers quels canaux de transmission ces effets influencent la croissance et dans quelles conditions ils peuvent jouer. Les réponses à ces questions permettent notamment de déterminer si l'intervention de la puissance publique est justifiée.
Les effets de l'éducation sont évalués de manière différente selon les modèles théoriques considérés et l'on constate qui si dans un premier temps, les modèles de croissance ne montraient qu'en effet temporaire de l'éducation, les nouvelles théories de croissance mettent désormais en avant un lien fort et durable entre éducation et croissance (I). Cependant, les nombreuses études empiriques ne s'accordent pas toutes à confirmer ce lien et confirment plutôt l'hypothèse d'effets variables en fonction de la situation économique et institutionnelle de chaque pays (II).
[...] Cependant, l'impact de ces études doit être relativisé. Tout d'abord, elles présentent de nombreuses erreurs de mesure en raison de la difficulté à mesurer le niveau d'éducation d'un pays. Ensuite, elles ne prennent pas en compte la qualité de l'éducation : or les niveaux d'éducation peuvent augmenter au détriment de la qualité de l'enseignement reçu. Notamment, les mesures internationales ne distinguent pas à l'intérieur de l'agrégat de durée moyenne des études, les segments primaire, secondaire et supérieur alors que leurs effets sur l'économie sont différents (CAE). [...]
[...] Il existerait donc une corrélation entre croissance et éducation, même si l'éducation n'a pas d'impact sur la production. Cela souligne les difficultés de valider empiriquement un modèle théorique au détriment d'un autre et de mesurer précisément les effets de l'éducation. Mais on peut tout de même retenir deux implications pour la puissance publique : la plupart des études notamment les plus récentes concluent à un effet positif important de l'éducation (par exemple selon l'INSEE, le rendement social d'une année supplémentaire d'éducation est estimé à 10%dans le cas de la France) ce qui justifie une action publique; elles soulignent également que les différentes politiques scolaires peuvent avoir des effets variés, selon l'environnement économique dans lequel elles sont mises en œuvre. [...]
[...] Ces études s'appuient pour la plupart de l'équation de Mincer (1974) et elles permettent de conclure à des effets très importants de l'éducation. Mais ces études supposent que deux conditions soient réunies pour que le salaire soit représentatif du rendement d'une année supplémentaire : il faut que la productivité marginale et salaire réel soient proportionnels ; et que le surcroît de productivité soit directement imputable au système éducatif. Or, cette deuxième condition est contestée par les tenants de la théorie du signal qui s'appuient sur les travaux théoriques de Spence (1973). [...]
[...] Ce qui permet d'expliquer pourquoi notre système éducatif est jugé peu efficace économiquement. Ainsi l'éducation, dans une économie où le progrès technique est endogène, apparaît comme une source indispensable à la croissance. Malgré les difficultés de mesure de l'éducation, l'intervention de la puissance publique à travers l'investissement dans l'éducation, semble justifiée dans la mesure où elle permet l'adaptation du système scolaire au niveau technologique de chaque pays. Or, la France est dans une situation jugée préoccupante et les auteurs du rapport du CAE appellent à une réforme graduelle du système éducatif français vers une organisation qui favoriserait l'innovation. [...]
[...] Il convient également de souligner que la moins bonne performance économique de notre système éducatif ne saurait être justifiée par son équité car le rapport de l'OCDE montre que non seulement les systèmes français et allemands sont médiocres économiquement mais qu'ils sont également socialement injustes. [...]
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