Critique de la décentralisation, loi MAPTAM, nouvelle carte à 13 régions, décentralisation à la française, tradition centralisatrice,
Avec ce que certains qualifient d' « acte III » de la décentralisation constitué de la loi MAPTAM de janvier 2014, de la nouvelle carte à 13 régions et du projet de loi NOTRE, un nouveau pas est engagé dans la décentralisation à la française, organisation juridico-politique qui a fêté son 30ème anniversaire en janvier 2012. En effet, la décentralisation mise en œuvre par Gaston DEFFERRE alors Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation sous la présidence de François MITTERRAND a marqué les esprits quant à son impact, de que Jean RIVERO a pu qualifier de « plus profond bouleversement apporté à l'administration française depuis l'An VIII » ; il n'est donc pas exagéré de dire que la France se caractérise, selon la légende consacrée par une quasi majorité des auteurs, par une apparente tradition centralisatrice, jacobine faisant de Paris le pôle unique de prise de décision.
[...] Preuve que les enjeux électoraux sont néfastes pour l'application d'une véritable décentralisation et le processus apparaît aujourd'hui complètement paralysé. Prenons pour exemple la modification de la carte des régions : il a fallu faire appel à l'État, aucun élu ne souhaitant sacrifier son mandat. Ces critiques largement avérées et vérifiables au quotidien ont été soulevées avant les dix ans de la décentralisation de 1982,[9] mais n'ont fait l'objet que de correctifs pour la plupart inefficaces et complexifiant à outrance une réforme qui se voulait simples et comme posant un cadre général ; aussi le principe de la collectivité-chef de file, au demeurant d'un flou inouï, le principe de subsidiarité, l'expérimentation tendant à vouloir donner un rôle aux collectivités ou encore la possibilité de déléguer des compétences elles-mêmes non définies de manière claire dans la répartition entre l'État et les collectivités territoriales ne sont que des artifices tentant mieux faire passer la pilule d'une décentralisation ratée, car dénaturée de tout son sens dont les élus locaux tirent profit à des fins de conquête du pouvoir toujours plus important : l'intercommunalité étant une victoire supplémentaire pour ceux-ci. [...]
[...] Loi 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions Bertrand FAURE, La glorieuse trentenaire, A propos du 30e anniversaire de la loi du 2 mars 1982 AJDA 14/2012 Dossier Trente ans de décentralisation Voir notamment, Pouvoirs 60 La décentralisation - janvier 1992. Pierre-Yves CHICOT, Le principe de libre administration des collectivités territoriales : la déconcentration contre la décentralisation ? RLCT 102, juin 2014, pages 53 58. Loi 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. [...]
[...] On voit donc que les tentatives de décentralisation du pouvoir ont toujours déstabilisé, irrité le pouvoir central en place ; aussi, la France est donc assise sur une tradition de territoires autonomes, variés, différents qui a sans cesse voulu échapper à l'emprise royale centralisatrice. Cette tradition sera anéantie par la Révolution, qui malgré des tentatives de réformes de l'organisation administrative des années 1764 à 1787 et les cahiers de doléances, fera fit de ce particularisme pour appliquer, conformément à la doctrine des jacobins, et ce dès 1793, un principe d'égalité sur l'ensemble du territoire, réduisant au maximum les identités locales, uniformisant les territoires jusqu'alors différents en taille par des départements de taille quasi similaires. [...]
[...] Cette décentralisation du pouvoir est le fruit de l'insécurité qui règne et repose sur une interdépendance des acteurs favorisant des rapports personnels à la base de cette organisation. Un morcellement du royaume développant l'autonomie des fiefs conduisit le roi à régner de manière plus absolue. Mais même sous l'Ancien Régime, qui se caractérise justement par cette monarchie absolue, une tentative de décentralisation a été mise en place : en effet, au cours du XVIe siècle, le roi s'appuie sur des gouverneurs agissant en province pour représenter localement le roi et l'assister notamment pour la justice et la fiscalité. [...]
[...] Il faudra ensuite attendre 2003 et la révision constitutionnelle pour que le terme apparaisse dans la Constitution signalant que son organisation est décentralisée, mais que la République, elle, demeure une et indivisible. En soit, la décentralisation n'apparaît donc pas comme un véritable principe invocable, sa définition demeure évasive et elle n'apparaît que très rarement dans les textes relatifs aux collectivités territoriales[6], en revanche, elle s'est traduite par la reconnaissance de libertés accordées aux collectivités territoriales : la libre administration, l'autonomie financière, la liberté de contracter, la liberté d'emprunter, la reconnaissance d'un droit de propriété sur leur domaine public, etc. [...]
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