Selon le président de la Banque Centrale Européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, « la récente flambée des prix des matières premières […] nous rappelle que la mondialisation peut aussi créer des risques inflationnistes. » Dans un premier temps, cette envolée des cours concernait essentiellement l'énergie (pétrole brut), ainsi que les métaux et minerais (cuivre, nickel, or, aluminium…). Néanmoins, depuis 2002, cette hausse tendancielle s'étend à de nombreux produits agricoles, tels que le blé, le maïs, le caoutchouc ou encore le riz.
La flambée des prix des « commodities », notion plus large qui regroupe à la fois les matières premières et certains produits transformés, résulte d'un déséquilibre entre une offre limitée et une demande grandissante. Différents facteurs permettant d'expliquer cette situation sont à distinguer. Du côté de l'offre, on constate une révision à la baisse des prévisions des récoltes mondiales. Ceci s'explique notamment par la mise en œuvre de politiques de réduction des capacités productives des Etats-Unis et de l'Europe, dues à la situation antérieure de dépréciation des prix à l'échelle mondiale. Par ailleurs, de mauvaises conditions climatiques ont également restreint l'offre de produits de base disponibles. Parallèlement, du côté de la demande, on relève un accroissement des besoins des pays économiquement dynamiques comme le Brésil, l'Inde et la Chine. Depuis 2001, la Chine est notamment le premier consommateur de minerais de fer, de zinc, de cuivre, de charbon, mais aussi de blé, de soja, de coton, de caoutchouc ; et le second consommateur d'aluminium, de plomb, et de pétrole. Enfin, la très forte demande mondiale de pétrole a pour conséquence une amplification des besoins en produits agricoles. En effet l'alternative à la consommation pétrolière repose sur l'utilisation de biocarburants, provenant de matières agricoles telles que le maïs ou le blé.
Cette hausse généralisée des prix des matières premières a des conséquences sur les économies des pays riches comme sur celles des pays pauvres. Toutefois, l'impact de ce choc est plus important dans les pays du Sud car ces derniers ont une économie plus instable que les pays du Nord. Mais les pays pauvres sont pour la plupart les plus riches en matières premières. Ainsi, suivant la théorie des avantages comparatifs de Ricardo (théorie selon laquelle chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la ligne de production pour laquelle il a le coût comparatif le plus bas), les pays pauvres se sont spécialisés dans l'exportation de matières premières alors que les pays riches se sont spécialisés dans le commerce de biens manufacturiers et à haute valeur ajoutée. La faiblesse des prix des matières premières, qui a marqué les dernières décennies, a ipso facto souvent été considérée comme un frein au développement économique des pays pauvres. En effet, sur une longue durée, les prix des matières premières diminuaient alors que ceux des produits manufacturés avaient tendance à s'apprécier, entraînant une dégradation des termes de l'échange au détriment des pays du Sud.
La hausse du cours des matières premières peut impacter de différentes manières les économies des pays pauvres. Une première observation consiste à penser que la hausse des prix aura des répercussions immédiates négatives sur les économies des pays pauvres ainsi que sur leurs populations. Deuxièmement, à moyen / long terme, les pays pauvres risquent de souffrir encore plus de cette hausse, et de voir leurs situations se dégrader davantage. Enfin, d'un autre côté, la hausse des prix peut être une chance pour les pays pauvres, à condition qu'ils puissent s'adapter à cette nouvelle donne économique, et procéder aux réajustements nécessaires.
[...] Nowak, Jean-Jacques, Syndrome Néerlandais et Théorie du Commerce International, Economica, Paris Oxfam Magasins du Monde, Les hausses de prix des matières premières agricoles : enjeux et perspectives Septembre 2007. Panitchpakdi, Supachai, XIIe Conférence de la CNUCED, Accra avril 2008. Programme Alimentaire Mondial, Impact de la hausse des prix d'alimentation mars 2008. Pomeroy, Robin, Les "émeutes de la faim" risquent de s'aggraver, selon la FAO Le Monde avril 2008. Toungy, Paul, Dépenser ou Epargner ? Les pays producteurs de pétrole, dont le Gabon doivent décider comment tirer parti de la manne pétrolière Finance et Développement, Décembre 2006. [...]
[...] Selon le PAM, la hausse des prix alimentaires va contraindre les populations les plus démunies à sacrifier certains postes de leurs dépenses afin de pouvoir survivre. Ainsi à terme, si la situation ne se redresse pas, le taux de scolarisation dans ces pays diminuera et se retrouvera à un niveau encore plus faible qu'il ne l'est aujourd'hui. Certains gouvernements ont tenté de prendre des mesures pour limiter les conséquences négatives. Ainsi, le gouvernement sénégalais a levé temporairement ses droits de douane sur les importations de céréales pour faire face aux difficultés d'approvisionnement et à la flambée des prix sur le marché mondial. [...]
[...] Simon JOHNSON, Le prix (alimentaire) du Succès Finance et Développement, FMI, décembre 2007. [...]
[...] La plupart des personnes concernées sont des ruraux, voire des paysans des pays du Sud. Ce paradoxe s'explique par le fait que les producteurs de nourriture, en raison de leurs faibles ressources, ont un accès limité à la nourriture.[15] De plus pays (dont la moitié est en Afrique) ne produisent pas eux-mêmes de quoi nourrir leur population et n'ont pas l'argent nécessaire pour importer de la nourriture. La hausse des cours alimentaires frappe de manière très forte ces populations et les met en danger. [...]
[...] L'augmentation des prix des aliments a de multiples répercussions. Tout d'abord, les catégories de personnes les plus défavorisées des pays pauvres sont contraintes de réduire leur consommation alimentaire. Selon une étude réalisée en 2008 par le Programme Alimentaire Mondial la population rurale du Salvador achète 50% de nourriture de moins qu'il y a dix-huit mois, avec la même somme d'argent. Au Bangladesh, les couches les plus pauvres de la population ont été contraintes de réduire le nombre de leurs repas quotidiens ainsi que la quantité de nourriture. [...]
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