Le conflit, potentiellement dangereux - voire destructeur - est au coeur de toute vie sociale ; il s'agit d'une relation antagoniste, se traduisant par une rupture des rapports traditionnels, entre deux ou plusieurs acteurs, dont l'un cherche à dominer le champ social de l'autre : une notion de pouvoir intervient donc ; l'enjeu porte sur la répartition des biens sociaux. Selon Marx, toute société se caractérise par un antagonisme de classes : ainsi, l'analyse marxiste se penche essentiellement sur l'opposition fondamentale entre prolétaires et propriétaires des moyens de production, les deux classes rivales (une classe sociale se définit d'ailleurs par sa place dans le processus de production, sa source et son type de revenus, son mode de vie et surtout la conscience de faire partie d'un ensemble). Né au XIXème siècle, le mouvement ouvrier est le mouvement social par excellence : pendant longtemps, il a semblé devoir jouer un rôle central dans la société, en particulier au niveau des conflits de classe, justement.
Pour autant, les conflits sociaux de nos sociétés contemporaines sont-ils réductibles aux « simples » conflits de classe, si l'on ose dire ? (...)
[...] On ne saurait nier le rôle majeur des conflits de classes au sein des conflits sociaux, dans les sociétés industrialisées, a fortiori au XIXème siècle. C'est d'ailleurs à cette époque que Karl Marx, se penchant sur la structure des sociétés, a mis en évidence le fait que toute société se caractérise par une polarisation en deux blocs, en deux classes antagonistes : l'une opprimée les prolétaires, en l'occurrence - , l'autre dominante les propriétaires des moyens de production. De fait, les conflits puiseraient leur source dans l'inégale distribution de la propriété des moyens de production. [...]
[...] Les revendications liées à des valeurs post-matérialistes fleurissent, selon Inglehart, remettant en question les traditionnelles revendications de classes, plutôt matérialistes. De plus, les conflits actuels transcendent les classes sociales : en témoigne, par exemple, la mobilisation collective de lycéens, d'étudiants et de salariés (autrement dit, de couches diverses de la population, quelle que soit leur classe) pour le C.P.E En effet, l'opposition au projet fétiche du gouvernement a soulevé un formidable tollé, et rallie et syndicats, et individus de toutes classes dans une lutte contre le viol du code du travail et contre la précarisation. [...]
[...] Une analyse simplificatrice en termes de conflits de classes se révèle insuffisamment pertinente, dans la mesure où les conflits puisent leurs racines dans diverses sources de contestations à même de transcender les particularismes des classes sociales. Il semble ainsi que si les conflits agissent sur le changement social, l'inverse est également vérifié : le changement social agit aussi sur les conflits, transformant leur nature en profondeur On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle respectif des conflits dans le changement social, dans l'évolution de la société Une société sans conflits est-elle, au fond, en bonne santé ? [...]
[...] En effet, en 1884, la légalisation des syndicats marque une étape importante dans l'institutionnalisation des conflits : des acteurs jusqu'alors considérés comme une menace pour la société entrent alors en scène (ce droit fut d'ailleurs conquis de haute lutte). La CFDT et la CGT s'affichent comme les principaux syndicats français et sont étroitement liés aux partis socialiste et communiste ; les syndicats puisant ainsi principalement leurs adhérents dans les masses populaires Ainsi, un syndicalisme de classe semble se dessiner. Pour autant, les conflits de classe sont-ils toujours vraiment d'actualité ? [...]
[...] Il semble donc bien légitime de douter de la pertinence des conflits de classe dans nos sociétés contemporaines. En effet, les conflits sociaux sont irréductibles aux conflits mettant aux prises deux classes antagonistes (au sans marxiste, tout du moins). Ainsi, Dahrendorf prend le contrepied de la thèse marxiste et affirme que les conflits, loin d'être liés à l'inégale distribution de la propriété des moyens de production, puisent leurs racines dans la distribution différentielle de l'autorité (attachée à la fiction) au sein de toute société Les individus assujettis (par exemple à la technostructure) cherchent inexorablement à s'échapper de leur joug Mais la distribution de l'autorité s'avère complexe : l'individu peut en être doté dans un domaine, et privé dans un autre Quoi qu'il en soit, l'analyse marxiste est réductrice et non généralisable, car elle porte seulement sur le XIXème siècle, et une classe ne saurait reposer uniquement sur des critères économiques : en effet, les domaines politique et social interviennent également dans le champ des conflits sociaux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture