J. MAJOR affirmait lors d'une allocution, « A nous les emplois, à vous [les Européens] la protection sociale ». Cette phrase résume à elle seule le dogme libéral selon lequel la protection sociale est un obstacle à la compétitivité d'une économie. Et il semble vérifié par la comparaison entre la « machine à emploi » américaine et l' « eurosclérose ».
A mesure que la mondialisation progresse, tant les entreprises nationales que les États sont mis en concurrence et se doivent, pour résister, d'être de plus en plus compétitifs. La compétitivité désigne la capacité à s'imposer sur le marché mondial face à ses concurrents. Elle concerne les entreprises mais aussi la nation dans son ensemble qui, pour s'affirmer sur le marché mondial, est soumise aux contraintes de crédibilité économique et financière. Dans les années 1970, la stagflation et l'échec des politiques keynésiennes coûteuses remettent en question la pertinence de la protection sociale. La protection sociale est un système de prise en charge par la collectivité des conséquences économiques d'un certain nombre de situations (souvent qualifiées de « risques ») pénalisantes pour les individus : maladie, maternité, vieillesse, chômage, invalidité, etc. Financée par les cotisations, elle pèse sur le marché du travail (coût de la main d'œuvre) et sur le marché des biens (prix des produits). Protéger les individus peut vite dégénérer en une logique infernale : la hausse des risques sociaux entraîne celle des prestations sociales, et celle des cotisations sociales, cette dernière accroît le coût du travail et donc le chômage. Cependant, il faut peut-être éviter que la protection sociale soit sacrifiée, au nom de la compétitivité économique, sur l'autel de la concurrence internationale. En effet, tant en matière de qualité de la main d'œuvre que de qualité de l'offre, la protection sociale a un effet positif sur l'économie nationale. Aussi faut-il voir dans quelle mesure le coût de la main d'œuvre alourdi affecte-t-il la compétitivité d'une nation ? Faut-il réduire les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques pour rétablir la compétitivité ?
On présentera dans un premier temps pourquoi la protection sociale est un frein à la compétitivité d'une économie. Mais il faudra voir que la corrélation entre le niveau de protection sociale et la compétitivité d'une nation n'est pas si évidente : « la redistribution peut être efficace » (T. PIKETTY, 2001).
[...] Il y a bien une opposition entre deux visions de la protection sociale : Les pays néolibéraux qui en dérégulant le marché du travail, se sont engagés dans le développement d'emplois précaires, faiblement protégés, au risque d'augmenter des problèmes de pauvreté et d'inégalités. Le scénario de la croissance sans emploi des pays d'Europe Occidentale, privilégiant le maintien des acquis. Cette rigidité du modèle continental explique le nom de Frozen Welfare State (E. ANDERSEN). Les pays scandinaves semblent approcher un équilibre efficacité-équité. Copier leur modèle de flexsécurité est-ce possible ? En France, les mentalités, la culture et l'esprit civique laissent sceptique quant à la réussite d'une telle entreprise. [...]
[...] La protection sociale crée une tension inflationniste. La protection sociale génère une hausse persistante, générale, et auto- entretenue des prix des biens par un double processus : Par l'offre, car les charges qui pèsent sur le coût du travail sont répercutées sur les prix des produits Par la demande, puisque les bénéficiaires de la protection sociale voient augmenter leur revenu, déterminant de la consommation (C=cY pour Keynes). Cette inflation est un frein au dynamisme d'une économie. C'est pourquoi la politique monétaire française s'est focalisée entre 1984 et 1997 sur la lutte contre l'inflation (la désinflation compétitive Une inflation maîtrisée rend en effet les prix de la production nationale plus compétitifs et favorise donc l'exportation (et donc la production, et donc la création d'emplois). [...]
[...] En effet, si gouvernement annonce une politique restrictive de contrôle de la masse monétaire et par là, de musellement de l'inflation et qu'en même temps, il prodigue un système de protection sociale lourd sur l'équilibre budgétaire, la cohérence de sa politique fiscale va être altérée. Et la crédibilité financière est un atout pour attirer des capitaux. Aussi les économies nationales doivent- elles se lier les mains i.e. préférer les règles plutôt que la discrétion (KYDLAND et PRESCOTT, 1977). Par cette voie, elles pourront retrouver un certain niveau d'attractivité financière. Les prestations sociales entravent le bon fonctionnement du marché du travail. a. Du consensus fordiste au modèle toyotiste. [...]
[...] BRAUD, Précis d'économie La comparaison des systèmes de protection sociale en Europe. De la classification à l'analyse des trajectoires d'État providence Lien social et politique RIAC - Printemps 1997 Sociétal, 47 Premier trimestre 2005 Pouvoirs, 82 1997 P. PIGNARRE, Assurance-maladie : la cruelle leçon américaine Le Monde, 09/01/04 ECOFLASH : Coût du travail, fiscalité et emploi avril 1998), Flexibilité du salaire et performances d'emploi janvier 2001) J. MAJOR affirmait lors d'une allocution, A nous les emplois, à vous [les Européens] la protection sociale Cette phrase résume à elle seule le dogme libéral selon lequel la protection sociale est un obstacle à la compétitivité d'une économie. [...]
[...] La compétitivité repose sur d'autres enjeux. Les prestations sociales sont justifiées économiquement parlant. a. KEYNES et le multiplicateur. b. La protection sociale augmente la productivité. La protection sociale, un choix de société. a. Les conséquences de l' Enabling State b. Un choix de société : la justice sociale. Bibliographie T. PIKETTY, L'économie des inégalités Les ECONOCLASTES, Petit bréviaire des idées reçues J. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture