Les sciences économiques occupent une position originale dans le questionnement concernant la scientificité des sciences sociales. En effet, par le formalisme mathématique de leurs modèles, elles tentent de se rapprocher des sciences dites « dures » qui induisent vérité, universalité des lois et certitude des résultats obtenus.
Cependant, leurs objets d'études les placeraient plutôt du coté des sciences « molles » qui ne peuvent offrir de vérité naturelle ni de parfaite prévisibilité. Il suffit ici de retenir la définition que donne l'économiste américain et Prix Nobel Paul Samuelson : les sciences économiques sont « les sciences des choix » et ne sont donc pas empruntes de vérité objective.
Certes, des phénomènes économiques se produisent tous les jours (investissements, échanges monétaires…) mais l'objet des sciences économiques, en tant qu'elles sont la science des choix économiques, n'est pas la matérialité des actes d'échange mais plutôt leurs motivations.
Les sciences économiques semblent donc être davantage des sciences de l'incertain, même si comme nous le verrons par la suite, les économistes classiques et néoclassiques (Pigou, Walras…) donnent pour cadre à leur analyse un contexte de parfaite certitude, tant au niveau du comportement des individus qu'au niveau de l'environnement qui les entoure.
Le concept d'incertitude est assez flou mais se distingue du concept de probabilité : si la probabilité englobe un sentiment d'incertitude, celui ci ne porte que sur le moment d'un événement. Nous pouvons définir l'incertitude économique comme la situation pour laquelle le futur devient illisible, les comportements des agents deviennent imprévisibles, les projets deviennent non fiables. Les sciences économiques relèvent cependant plus de l'incertitude que de la probabilité : la distance qui s'est progressivement élargie entre les postulats constitutifs de la discipline et leur efficacité heuristique et cognitive réelle en est sûrement l'explication. Désormais, l'incertitude apparaît comme indissociable de la vie économique : l'économie ne peut donc plus, comme nous le verrons par la suite, être étudiée mécaniquement comme le laissaient penser les néoclassiques jusque dans les années 60.
[...] L'incertitude devient donc ici au cœur du raisonnement économique, en devenant l'hypothèse d'un modèle qui reste fondamentalement rationnel. Ainsi, au niveau microéconomique, le postulat d'une rationalité substantive des agents fondée sur la maximisation de l'utilité, est complexifiée par la prise en compte de l'incertain, ce qui modifie la représentation réelle de l'économie. Dans un second temps, nous allons mettre en évidence la conception plus radicale de l'incertitude qu'ont eu certains auteurs : nous traiterons ici majoritairement de la vision spécifique de Keynes (sans pour autant exclure les idées de Knight et de Hayek) qui dès les années 30 dans sa Théorie générale (1936) s'est attaché à l'ouverture d'un débat essentiel. [...]
[...] Plus que jamais, agir économiquement ou politiquement ne semble pas pensable indépendamment de la prise de risque, c'est à dire de l'identification, de la connaissance et de la mesure de cette part d'aléa non anticipable qui devient de fait constitutive de l'action. C'est pourquoi la question de la prise en compte de l'incertitude à donner lieu à autant de théories différentes : il s'agit en effet d'un enjeu fondamental, aussi bien concernant la capacité de la discipline à dire des vérités scientifiques que la difficulté pour les gouvernements de construire des politiques économiques convaincantes et efficaces. Haut du formulaire Bibliographie L'incertitude dans les théories économiques (collection repères). [...]
[...] Etant donné que les agents ne sont plus omniscients, il devient difficile pour les individus de connaître et de prévoir le futur, du fait de l'existence d'aléas et d'un monde devenu de plus en plus complexe à saisir. La prise en compte de l'incertitude est donc troublante et ébranle la base de la construction néoclassique. Le fait d'intégrer l'incertitude tout en l'assimilant à un risque semble être une hypothèse peu réaliste mais permet de conserver la modélisation si chère aux économistes. En univers certain, il est admis que le choix des individus résulte de la recherche d'une satisfaction maximale via la fonction d'utilité et les comparaisons entre les courbes d'indifférence. [...]
[...] La notion d'incertitude est présente tout au long de l'œuvre de Keynes : lorsqu'il traite des motifs de détention de la monnaie ou lorsqu'il donne sa définition du taux d'intérêt (prix de l'inquiétude liée à la renonciation à la liquidité), on voit donc que l'auteur place l'incertitude et la question des anticipations au centre de sa théorie macroéconomique. Son message est donc clair : l'incertitude est souveraine et il est indispensable de la prendre en compte dans les modèles économiques. [...]
[...] Telle est la question fondamentale que pose l'émergence d'une science fondée sur l'incertitude alors qu'elle cherche à apparaître à l'origine comme une science dure L'incertitude a donc remis en cause les postulats de base de la théorie économique énoncés auparavant. Pourtant, malgré cela, les sciences économiques peuvent être considérées comme des sciences de l'incertain Nous nous interrogerons cependant sur les conséquences de la prise en compte de cet événement nouveau sur la place de l'économie dans les débats politiques et dans le champ des sciences. En effet, l'incertain gagne tout autant le principe de la rationalité économique des comportements que la possibilité de construire des modèles fiables. [...]
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