Le capitalisme a fait l'objet d'analyses poussées, tant de la part d'économistes que de sociologues et d'historiens. Qui offrent des points de vue différents sur le sujet.
Capitalisme est un mot de combat : l'expression de François Perroux, qui ouvre le Que sais-je ? Consacré par le grand économiste au capitalisme, résume bien deux siècles de débats et de polémiques autour d'un thème qui sent le soufre. S'il en est ainsi, c'est, pour reprendre les termes mêmes de Perroux, parce que « Karl Marx et les marxistes l'ont jeté dans l'arène des luttes sociales, puis l'ont chargé d'explosifs dont il n'a jamais pu se débarrasser tout à fait ». Ce n'est qu'avec l'affaiblissement, puis l'effondrement du « socialisme réellement existant » que les choses ont commencé à changer et que le capitalisme est redevenu un terme fréquentable, ou presque. Pourtant, économistes, mais aussi sociologues et historiens, n'ont guère cessé de disséquer le capitalisme, d'en analyser les ressorts, de s'interroger sur les sources de son dynamisme. Les réponses, bien entendu, ne convergent pas. Parce que le capitalisme est multidimensionnelle et que, du coup, comme un kaléidoscope, il offre des perspectives bien différentes selon l'angle de vue retenu.
[...] Le capitalisme est d'abord une force d'accumulation qui ne supporte pas de borne. A cause de la production, parce qu'elle est source de plus- value, estimait Marx. A cause de la consommation ostentatoire, qui transforme le désir en demande sans cesse accrue, avançait Veblen. A cause d'une certaine éthique religieuse qui, cherchant la preuve du salut spirituel dans la réussite matérielle, a fait de l'entreprise le lieu d'une quête rationnelle de croissance sans limite, concluait Weber. Mais, dans les trois cas, le capitalisme est d'abord un système, une logique, une mécanique, dont le moteur est la poursuite d'une accumulation sans fin. [...]
[...] Or, depuis vingt ans, par une sorte d'étonnant renversement idéologique, sans doute favorisé par l'effondrement du socialisme réellement existant c'est au contraire l'exaltation de la concurrence, du droit de propriété et de la capacité autorégulatrice du marché qui prévaut. L'idée de la naturalisation du capitalisme s'impose désormais : l'économie de marché aurait toujours existé et, au prix de pénibles processus de tris et d'erreurs, les hommes auraient peu à peu appris à reconnaître sa supériorité sur tous les autres processus sociaux pour produire et consommer de plus en plus, dès lors, à quoi bon s'interroger sur son avenir ou sur son efficacité ? A l'ère des grands esprits visionnaires succède ainsi celui des boutiquiers besogneux. [...]
[...] La main invisible du marché est affectée de quelques tremblements, le capitalisme a toujours du mal à intégrer le coût social (et désormais aussi environnemental) du changement incessant qu'il engendre, et encore davantage à se poser la question de l'utilité sociale de ce qu'il produit : la vente lui tient lieu de morale, ce qui est un peu court pour donner du sens à la société. Pour Marx, la supériorité du capitalisme réside dans sa dynamique productive. Max Weber, au début du XXe siècle, ne partage pas cette condamnation à la fois économique et morale du capitalisme. Le problème du grand sociologue allemand n'est pas de savoir s'il y a exploitation, et encore moins si le capitalisme peut survivre, mais de comprendre comment on en est arrivé là. [...]
[...] Les idées ont de l'importance dans la vie sociale, nous dit Weber, parce qu'elles donnent naissance à des structures qui imposent ensuite leurs règles propres. Quant à Thorstein Veblen, s'il insiste sur l'accumulation, ce n'est pas, comme Marx et Weber, pour en faire le support de la dynamique du capitalisme en tant que machine à produire, mais plutôt comme mode de vie. L'accumulation dont il parle n'est pas celle du capital, mais celle des objets ou des services de consommation : alors que, dans les sociétés traditionnelles, il s'agit de montrer ainsi son pouvoir, dans les sociétés capitalistes, il s'agit d'afficher sa réussite. [...]
[...] Nous voici loin du marché et de sa main invisible : ce n'est pas la concurrence qui explique la dynamique du système, mais les firmes dominantes, grâce à l'innovation (Schumpeter) et l'Etat (Perroux). Les firmes dominantes expliquent la dynamique du système, grâce à l'innovation (Schumpeter) et à l'Etat (Perroux). De Keynes à Galbraith : le rôle des règles et des institutions. John Maynard Keynes, à la différence des deux premiers grands courants, ne s'intéressait guère à ce qui fait marcher le capitalisme, mais plutôt à ce qui pourrait l'empêcher de trébucher. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture