L'apport principal de ce qu'il est convenu d'appeler la révolution keynésienne, c'est sans doute l'introduction de l'incertitude dans la théorie économique ; les décisions d'aujourd'hui dépendent de la situation de demain, par nature inconnue. Les agents doivent donc anticiper le comportement des autres, c'est-à-dire former des hypothèses portant sur l'évolution de la situation économique en vue d'éclairer leurs décisions. Les anticipations, dont le degré de rationalité est l'objet de vifs débats théoriques, portent sur le comportement des agents privés, mais également sur les effets des politiques économiques menées par les autorités, et notamment des politiques discrétionnaires traditionnelles, à savoir la politique monétaire et la politique budgétaire. Politiques économiques qui essaient d'orienter les anticipations des agents dans un sens favorable aux objectifs poursuivis. L'importance accordée par les pouvoirs publics aux anticipations se traduit par exemple par l'attention portée au moral des ménages, indicateur fourni régulièrement par l'INSEE.
Les politiques économiques visent à infléchir le comportement des agents, ce qui, dans un contexte d'incertitude, revient à jouer sur leurs anticipations ; mais les agents forment des anticipations sur les politiques économiques elles-mêmes, dont l'efficacité peut ainsi être remise en cause. Les politiques économiques s'efforcent de susciter des anticipations qui, si elles sont rationnelles, peuvent rendre les politiques discrétionnaires inefficaces (I). Certaines théories préconisent alors l'instauration de règles, qui, si elle peut empêcher les anticipations inflationnistes ou récessionistes, ne conduit pas nécessairement à une situation optimale (II).
[...] En conséquence, les agents privés augmentent leur taux d'épargne, annihilant les effets de la relance budgétaire. Le théorème d'équivalence est toutefois critiquable, tant théoriquement (théorème de Haavelmo [1945], qui montre qu'une relance budgétaire équilibrée a un effet sur le revenu national égal au montant de l'augmentation des dépenses publiques) qu'empiriquement (théorème non vérifié toujours et partout)[3]. Postulant l'inefficacité des politiques discrétionnaires, les tenants de la NEC proposent l'instauration de règles permettant de faire échec à l'incohérence temporelle et de donner une crédibilité à la politique économique, empêchant ainsi la formation d'anticipations inflationnistes ou récessionistes. [...]
[...] Le gouvernement peut-il modifier à l'envi les anticipations des agents, puis les tromper ? Si la réponse est non, l'efficacité des politiques discrétionnaires est largement remise en cause. Or, la théorie économique montre que les agents ne sont pas totalement myopes lorsqu'ils forment leurs anticipations. B. Les politiques discrétionnaires sont d'autant moins efficaces que leurs conséquences sont anticipées rationnellement Les différents degrés de rationalité des anticipations Si pour Keynes, les anticipations sont dictées par les esprits animaux des agents, ses détracteurs considèrent en revanche qu'elles sont le fruit d'une plus ou moins grande rationalité des mêmes agents. [...]
[...] Or, les fondements de l'hypothèse sont critiquables, notamment parce que les agents ne maîtrisent pas les mécanismes économiques. Mais même si l'on accepte l'hypothèse des anticipations rationnelles, cela ne conduit pas à considérer que les politiques discrétionnaires sont nécessairement inefficaces. L'inefficacité des politiques discrétionnaires n'est pas le résultat du mode de formation des anticipations, mais des hypothèses de la NEC sur le fonctionnement de l'économie ; dans une économie maintenue en permanence au plein-emploi par la flexibilité des prix, les politiques discrétionnaires sont par définition inefficaces ; les anticipations rationnelles ont pour seule conséquence de révéler plus rapidement l'inefficacité des politiques. [...]
[...] rendent les politiques discrétionnaires plus ou moins inefficaces Politique monétaire. Friedman considère que la relation de Phillips [1958] n'est valable qu'à court terme. Une politique monétaire expansionniste peut avoir un effet sur le niveau d'activité tant que les salariés ne se rendent pas compte que leur salaire réel a diminué et ne réclament pas une augmentation de leur salaire nominal. A long terme, le taux de chômage ne peut pas se situer en deçà du taux de chômage naturel, la relance monétaire ayant pour seul effet d'augmenter le niveau général des prix[1]. [...]
[...] Mais l'action sur les anticipations des agents se heurte à l'incohérence temporelle des politiques économiques. Les politiques économiques peuvent être incohérentes dans le temps Il s'agit ici des politiques discrétionnaires. Une politique est discrétionnaire dès lors que le gouvernement peut revenir sur ses engagements. Si le gouvernement décide de modifier les mesures prises, c'est parce que ces mesures ne sont pas optimales dans le temps [Kydland & Prescott, 1977] ; ce qui est optimal aujourd'hui ne l'est pas nécessairement demain. [...]
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