Avec la nouvelle position adoptée par la Libye de Muammar Khadafi, les entreprises occidentales ont d'ores et déjà entrepris les démarches quant aux contrats d'exploration relatifs à la manne pétrolière libyenne. Néanmoins, pour ne pas prendre de risques inconscients, ces mêmes entreprises commandent des analyses à leurs experts chargés d'évaluer l'état politique, économique et sociologique du pays. Ces experts sont les analystes risque-pays.
Nouvelle pratique accompagnant l'insertion des entreprises dans la globalisation économique et financière, l'analyse risque-pays est un domaine qui apparaît durant les années 50, à la suite de la nationalisation de l'Anglo-Persian Oil par le Dr Mossadegh en Iran, au cours de laquelle les firmes occidentales implantées dans les pays dits « émergents » prirent conscience du « risque » financier qu'elles encouraient en investissant dans de telles régions.
Longtemps ignorée en France, l'analyse risque-pays est enseignée dans les établissements supérieurs anglo-saxons au sein des business schools mais également à l'intérieur des schools of politics. En effet, la particularité de l'analyse risque-pays est qu'elle est multiforme. L'économiste Bernard Marois définira ainsi le risque-pays « comme le risque de matérialisation d'un sinistre, résultant du contexte économique et politique d'un Etat étranger, dans lequel une entreprise effectue une partie de ses activités».
Si la littérature du management des risques internationaux est assez pauvre en France, l'ouvrage de Bernard Marois publié dans la collection « Que sais-je ? » et simplement intitulé Le Risque Pays, présente la grammaire minimale de cette méthodologie particulière. Il est intéressant de voir quelle définition sociologique Marois essaie de donner du « spécialiste risque-pays » :
« Quel est le profil d'un spécialiste risque-pays ? Idéalement, il doit être polyvalent : politologue (ou sociologue), car la bonne compréhension des mécanismes de fonctionnement d'une société est indispensable pour pouvoir anticiper les changements profonds qui vont affecter un pays ; économiste, dans la mesure où les données monétaires et financières (équilibre de la balance des paiements, taux d'inflation, etc.) exercent une influence non négligeable sur les politiques pratiquées à l'égard des investissements étrangers et déterminent directement l'évolution de l'endettement externe d'un pays ; »
Pourquoi cette pratique professionnelle peut-elle apparaître polémique ou du moins sujette à débat ?
[...] Raymond Aron, Qu'est qu'une Théorie des Relations Internationales?, in Revue Française de Science Politique, vol. XXVII, octobre 1967, pp.837- 861. Hans Morgenthau, Politics among the Nations, fourth edition, New York, Alfred A Knopf p.19. John Lewis Gaddis. ‘International Relations Theory and the End of the Cold War' International Security 15 (1992-93), 5-58, p.11. Conversations avec un Président entretiens télévisés recueillis par Jean-Pierre Elkabbach. [...]
[...] La caricature présente ainsi les théories réalistes comme des formules incantatoires sur l'équilibre des forces. Or la lecture de Politics among the Nations infirme cette critique et permet de découvrir un Morgenthau pas si opposé à Aron comme l'illustre cette tirade qui pourrait représenter une sorte de sermon d'Hippocrate des internationalistes : The first lesson the student of international politics must learn and never forget is that the complexities of international affairs make simple solutions and trustworthy prophecies impossible. Here the scholar and the charlatan part company. [...]
[...] L'analyse risque-pays : quand les sciences académiques sécurisent les marchés financiers Il y a des mystères de politique, comme il y a des mystères de religion ; le jeu des constitutions, leur marche, leur influence sont d'une nature inexplicable. Combinés avec les mœurs, les passions et les évènements, les corps politiques, attirés, repoussés, balancés, combattus, produisent des effets que toute la sagacité humaine ne peut calculer. Ce vague, cette incertitude, ces grandes choses qui ne produisent rien, ces petites causes d'où sortent tant de grands résultats, ces illusions, cette puissance de l'opinion si souvent trompeuse, se retrouve dans tout ce qui touche au gouvernement, dans tout ce qui prend place dans l'histoire. [...]
[...] Si ces citations permettent de voir combien la question est délicate, elles nous interrogent dès lors sur leur reprise à des fins managériales. En effet, n'y a t il pas une responsabilité chez l'analyste risque- pays à prédire des faits si la science dont il se revendique ne prétend pas à cette fonction ? Dès lors, véritable fruit de la globalisation, l'analyse risque-pays peut s'assimiler à un détournement d'un savoir à des intérêts particuliers. On n'évoquera pas ici les sommes considérables qui sont en jeu, les larges rémunérations que l'académique recevra pour son conseil, c'est là une polémique inutile. [...]
[...] L'approche dite sociologique est quant à elle proche de celle de Calverley. Elle consiste ici à identifier un ensemble de variables qui peuvent déterminer pour chaque pays son degré de stabilité. La méthodologie dite d'Ally procède ainsi dans cette approche en effectuant une segmentation dynamique : Elle analyse un pays comme un ensemble de groupes à comportements homogènes, appelés segments Un segment peut être socio-économique ou ethnique. Le pouvoir, dans un pays, est basé sur la coalition de nombre de ces segments, alors que les segments en dehors de la coalition forment l'opposition. [...]
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