A l'heure où beaucoup mettent en avant les dysfonctionnements de la finance de marché mondialisée, les questions financières sont plus que jamais d'actualité. La globalisation financière, amorcée dès la fin des années 1970, s'est, en effet, accompagnée d'un retour des crises financières, à partir de 1987, retour qui peut faire douter quant à l'efficacité de ce mode de financement. On entend par « mode de financement » l'ensemble des modalités nécessaires à la mise en relation des agents à capacité de financement avec les agents à besoin de financement : un bon système financier doit permettre aux agents économiques d'accéder à la liquidité pour financer leurs projets. L'ensemble des agents est concerné, les entreprises et les pouvoirs publics, mais les banques également.
Les modalités de la finance ont été assez diverses au cours de l'histoire, mais on peut distinguer trois catégories principales, à savoir l'autofinancement, le financement par les crédits des banques et le financement sur les marchés financiers. Ces trois types de finance coexistent toujours, et ce n'est que par simplification que nous soulignerons des périodes où l'un ou l'autre domine, afin de dégager des corrélations, et le sens d'éventuelles causalités, entre leur domination et la bonne santé ou non de l'économie. En effet, il s'agit de se demander quel mode de financement présente la plus grande efficacité. Ceci étant, le débat ne saurait se limiter à l'impact des modes de financement sur la croissance : il faut aussi voir s'ils ne sont pas plus efficaces pour une catégorie d'agents que pour une autre, bref à qui ils profitent le plus. Quoi qu'il en soit, il s'agit donc de s'interroger successivement sur l'efficacité des trois modes de financement que nous évoquions, ce qui, nous le verrons, suit une certaine logique chronologique dans les pays avancés.
[...] A quoi tient l'efficacité supposée de ce mode de financement ? Il doit, tout d'abord, permettre une meilleure allocation des capitaux au niveau mondial : alors que l'encadrement du crédit, et plus globalement l'intervention publique, constituent souvent des entraves au bon fonctionnement des mécanismes de marché, la finance de marché doit permettre aux capitaux d'aller là où ils sont les plus rentables, du seul fait de la rationalité des intervenants sur le marché. Le raisonnement est d'autant plus convaincant que le marché financier est le marché qui se rapproche peut-être le plus d'un marché de concurrence pure et parfaite, tel que théorisé par les économistes néoclassiques. [...]
[...] Ainsi, l'année de récession de 1993, en France, offre un parfait contre-exemple : le taux d'investissement dépassait 100%, ce qui signifie que les entreprises faisaient beaucoup plus de profits, aussi faibles soient-ils, qu'elles n'investissaient[iii]. L'autofinancement est finalement inapte à financer la croissance : si l'on ne compte que sur l'autofinancement, les entreprises ne peuvent investir plus que ce qu'elles gagnent. En-dehors du cas où le seuil d'entrée dans l'activité est bas, l'endettement est nécessaire pour se financer : l'autofinancement peut, au mieux, être complémentaire. [...]
[...] Ceci étant, l'endettement, quel que soit sa nature, va permettre aux agents de bénéficier d'un effet de levier effet mis en évidence par Knut Wicksell : l'endettement est une solution gagnante si le coût de l'emprunt est inférieur à la rentabilité attendue, inférieur à l' efficacité marginale du capital dirait John Maynard Keynes[v]. On entre, alors, dans la véritable finance : alors que l'autofinancement ne met pas en relation les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement, les différents modes de financement vont devoir jouer ce rôle. Ils vont le faire de deux manières : l'endettement bancaire et l'endettement sur les marchés financiers. [...]
[...] La comptabilité nationale définit ainsi le taux d'autofinancement comme le rapport entre l'excédent brut d'exploitation et la formation brute de capital fixe, c'est-à-dire, pour faire simple, le profit et l'investissement. Plus ce taux est bas, plus les entreprises réinvestissent leurs profits. Son efficacité tient à sa prudence : s'autofinancer pour une entreprise, c'est ne pas prendre le risque de l'endettement et limiter, de fait, tout du moins dans le court terme, le risque de défaut de paiement. L'autofinancement est pratiqué, notamment, lors des débuts de la Révolution Industrielle, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'autofinancement puisque ce ne sont pas toujours des profits qui sont réinvestis. [...]
[...] Il s'agit alors de trouver cet équilibre, car le grand bouleversement financier des années 1980 a fait basculer les économies des pays avancés d'un extrême à l'autre. Trouver l'équilibre suppose cependant un encadrement de l'économique par le politique, rôle que les Etats-Nations ne semblent plus en mesure de tenir Patrick Verley, La Révolution industrielle Karl Marx, Le Capital notamment [iii] Sur ce thème, voir notamment : Robert Boyer, Théorie de la régulation Paul Samuelson, Economics: an Introductory Analysis Voir : John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie. [...]
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