Les premiers allégements de cotisations patronales sur les bas salaires ont été mis en oeuvre en France en juillet 1993. Depuis, on peut recenser au moins huit réformes majeures de ces dispositifs, sans compter les mesures spécifiques prises dans le cadre de la réduction du temps de travail (allégement « de Robien » et aides incitatives « Aubry I »). L'une des caractéristiques essentielle de ces dispositifs est donc leur instabilité. Dans les douze premières années de l'expérience française, leur durée de vie moyenne a été de moins de dix-huit mois.
Les trois grands attributs d'une exonération ont été affectés : la fenêtre d'exonération a été progressivement étendue, de 1,1 jusqu'à 1,7 Smic, avant de revenir à 1,6 Smic ; l'ampleur de l'exonération au niveau du salaire minimum a été accrue, de 5,4 jusqu'à 26 points de cotisations sociales ; la forme de l'exonération a elle aussi été modifiée, les dispositifs en marches d'escalier ayant laissé la place aux mesures linéairement dégressives. Presque toutes les formes possibles de profil d'exonération ont ainsi été mises en oeuvre en France, à l'exception des mécanismes de franchise, qui étaient pourtant ceux proposés par les rapports du Commissariat général au Plan au début des années quatre-vingt-dix. Au terme de cette histoire tâtonnante, le dispositif qui s'applique depuis juillet 2005 aux secteurs marchands consiste à exonérer de la presque totalité des cotisations de Sécurité sociale les salaires inférieurs à 1,6 Smic. Cela équivaut à un manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale de 16 milliards d'euros en 2004, soit plus d'un point de PIB, selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
[...] On parle aujourd'hui d'allégement défensif pour qualifier ce type de réforme visant à amortir les effets sur le coût du travail des hausses du Smic brut. La réforme de 1996 poursuit quant à elle un objectif de simplification. Après les changements de 1993 et de 1995, deux dispositifs au profil très différent coexistent, ce qui est inutilement compliqué et peu lisible. Le nouvel allégement correspond exactement à la somme des deux précédents au niveau du Smic ( = + 12,8 et reprend le profil linéairement dégressif du second dispositif. [...]
[...] Les travailleurs non qualifiés ne coïncident pas nécessairement avec les bas salaires, dont la définition est d'ailleurs sensible à l'intensité du ciblage en œuvre dans telle ou telle mesure. Au total, si les résultats des évaluations sont aussi variés, c'est aussi parce que les dispositifs ont été eux-mêmes divers, avec des mesures plus ou moins ciblées sur le salaire minimum et un profil instable dans le temps. Si l'on fait abstraction de toutes ces différences, le nombre moyen d'emplois non qualifiés créés selon les quatorze études est un peu supérieur à pour une enveloppe budgétaire de 5 milliards d'euros. [...]
[...] Certains travaux assimilent les non qualifiés aux salariés rémunérés au Smic, d'autres les font correspondre aux bas ou très bas salaires, d'autres encore mobilisent le diplôme ou une définition explicite de la qualification, en s'appuyant sur les résultats des statisticiens dans ce domaine. En outre, ces travaux n'estiment pas tous le même dispositif. Certains analysent les effets des premières exonérations en paliers, antérieures à 1996 ; d'autres, l'impact des mesures linéairement dégressives qui leur ont succédé. Or, un élément crucial pour une évaluation réside dans la connaissance des possibilités de substitution existant entre les différentes catégories de travailleurs, qui dépendent étroitement de la définition des salariés qualifiés et non qualifiés. [...]
[...] Ce profil légèrement convexe de la mesure dite Aubry II (2000) a été conçu afin de stabiliser le coût horaire à tous les niveaux de salaires, sur la base d'hypothèses pour les hausses de salaires horaires et celles de la productivité. On retrouve les mêmes ingrédients dans la dernière réforme de 2003 mise en œuvre par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dite réduction Fillon Il ne s'agit toujours pas de baisser le coût du travail pour favoriser l'emploi non qualifié. [...]
[...] Désormais, un barème d'allégement unique s'applique, que les entreprises soient ou non à 35 heures. Amortir l'impact sur le coût du travail des hausses de Smic ou des hausses de salaires, limiter les dépenses budgétaires, simplifier les dispositifs existants ont été les arguments à l'origine de chacune des réformes successives des dispositifs d'allégement de cotisations sociales. Aucune réforme n'a véritablement organisé une baisse offensive du coût du travail non qualifié dans le but de réduire le chômage des travailleurs non qualifiés. [...]
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