Le débat qu'ont pu connaître les Etats-Unis récemment, concernant la prétendue culpabilité de la sous-évaluation du renminbi chinois dans la persistance du déficit de la balance courante américaine, est intéressant à deux titres : d'abord parce qu'ils renvoient les économistes à la méthode optimale à laquelle il faut recourir pour mesurer le taux de change d'équilibre d'un pays et ensuite parce qu'il montre comment deux sujets a priori entremêlés sont associés dans le débat public alors que rien n'indique qu'une solution coopérative puisse être trouvée.
La présentation et la revue critique de l'article de Virginie Couhert et Cécile Couharde intitulé ‘Taux de Change Réel d'Equilibre en Chine' (CEPII Working Paper No 2005-01) sera l'occasion pour nous de faire le point sur ce que l'on sait véritablement sur ces questions de déséquilibre mondiaux sans pour autant ignorer, et on peut regretter que l'article de Couhert et Couharde soit tombé dans ce travers, les conditions intérieures chinoises et américaines.
La Chine a radicalement changé sa politique de change en 1994, lorsqu'elle a décidé d'ancrer son taux de change nominal au taux de change américain, aboutissant ainsi à une situation de change fixe de facto. Cette politique a duré jusqu'au 21 juillet 2005, date à laquelle les autorités chinoise, répondant ainsi à la pression américaine, ont décidé de réévaluer le renminbi de 2,1 % et de l'arrimer cette fois à un panier de devises dont le dollar, le yen et l'euro et bien d'autres encore.
Bien que les autorités américaines dénoncent la sous-évaluation du renminbi, les économistes trouvent différents résultats pour la sous-évaluation du renminbi qui peuvent aller de 0 à plus de 50 % (Carlotti-El Kadhi, 2005). Ces divergences sont à attribuer aux modèles choisis, aux hypothèses qui les sous-tendent, aux fenêtres d'estimation et aux données retenues.
Par conséquent : quelles sont ces méthodes (partie 1) ? Est-ce que les méthodes retenues par les auteurs sont critiquables (partie 2) ? Est-ce qu'une plus grande contextualisation et une mise en lumière des enjeux sous-jacents à la détermination du taux de change d'équilibre n'auraient pas été bénéfiques (partie 3) ?
[...] Quelle méthode retenir pour mesurer le taux de change d'équilibre chinois ? Le choix de la méthode d'estimation du taux de change chinois est le premier point de controverse du débat portant sur l'éventuelle sous- évaluation du renminbi. Plusieurs méthodes existent et nous allons à présent les passer en revue La méthode de la Parité du Pouvoir d'Achat La méthode la plus classique est celle dite de la Parité du Pouvoir d'Achat (PPA) absolue. Elle a été initiée entre autres par Rogoff (1996) et appliquée plus récemment par Frankel (2005). [...]
[...] Bien que le choix de la PPA absolue soit justifié par le manque de pertinence de la PPA relative (à cause du choix nécessairement arbitraire du début de la période où l'on estime que le taux de change est à l'équilibre), elle présente plusieurs inconvénients. Le premier est qu'elle se fonde sur des données de panel et ne tient donc pas du tout compte des caractéristiques et de l'environnement économique propre du pays, dont on souhaite calculer le taux de change. [...]
[...] On peut remédier à cela en se référant au Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment, mais rien n'indique que cette méthode pourra permettre d'aboutir à un taux de chômage d'équilibre stable. L'expérience américaine a d'ailleurs prouvé, durant les années 1990, que le NAIRU pouvait en réalité évoluer avec le temps. Le fait qu'il puisse suivre une marche aléatoire rend donc son intérêt encore plus relatif. Se pose donc la question de savoir comment calculer l'output gap de la Chine. On a souvent recours à un filtrage Hoddrick-Prescott afin de lisser sur plusieurs périodes les fluctuations de la croissance et obtenir une tendance qui serait donc la croissance potentielle. [...]
[...] Les auteurs répondent à cette interrogation en analysant l'élasticité croisée d'une déviation du taux de change d'équilibre chinois par rapport à une déviation de la balance courante structurelle américaine. Elles constatent une faible élasticité (de ce qui signifie qu'une réévaluation du renminbi n'aurait que très peu d'effet sur la valeur du dollar et donc sur la résorption de son déficit de la balance courante. C'est à ces déséquilibres que nous allons nous intéresser à présent Equilibres externes ou internes ? [...]
[...] Mais au-delà de l'affrontement politicien, à quoi sont vraiment liés les déséquilibres mondiaux ? Ne faut- il pas plus s'intéresser aux équilibres internes de chaque pays pris séparément qu'à leurs déséquilibres externes ? Il semble en tout cas pertinent de compléter l'analyse de Coudert et Couharde sur ce point parce que cette mise en perspective est quasi-absente dans leur travail. En effet, nous pensons que les déséquilibres sont en réalité certainement plus internes qu'externes et sont en tout cas communs à la Chine et aux Etats-Unis. [...]
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