La transmission de ressources entre la génération présente et les générations futures prend la forme de ce que les économistes appellent "capital", que d'autres sciences sociales appellent plutôt "patrimoine". En effet, les théories de la croissance des années 70 (Solow, Hartwick, etc., dans les traces de Ramsey, 1928) ont montré que ce qui déterminera la possibilité pour les générations futures de réaliser leurs besoins, c'est le stock de capital dont elles disposeront, en quantité et en qualité. On retrouve l'origine de la notion de développement durable dans la gestion forestière : une exploitation forestière est durable si elle ne prélève en volume que la quantité qui repousse chaque année, de façon à préserver la taille de la forêt. L'équivalent pour le développement durable est la règle de Hicks : la génération actuelle ne doit consommer que le revenu du capital.
Les conditions pour le développement durable fondées sur le capital sont donc des règles sur la quantité de capital que notre génération doit remettre à la génération suivante :
- Autant de capital que ce que nous avons reçu de la génération précédente ?
- Plus de capital pour tenir compte de la croissance démographique ?
- Assez de capital pour que la génération suivante puisse satisfaire ses besoins ?
On reconnaîtra ici l'analyse de la frontière inter-temporelle des possibilités de bien-être.
[...] Peut-on se satisfaire d'une condition globale pour le capital ? Le "capital naturel" peut-il être remplacé par du capital manufacturé ? Le bois par du plastique ? L'exemple de la couche d'ozone suggère également que la compensation ne puisse jamais être totale. On ne pourra pas protéger les systèmes marins contre les UV si l'atmosphère ne le fait plus. La substitution est discutable aussi si le capital naturel est source en soi de bien-être, par exemple un paysage ou un cours d'eau, sans que le même bien-être puisse être obtenu par d'autres biens et services. La substitution peut donc être possible par rapport à la production de biens matériels, mais pas forcément par rapport aux préférences. De plus, le capital manufacturé est lui-même largement produit à partir de capital naturel (mais aussi de travail), ce qui complique la substitution et oblige
plutôt à parler de complémentarité. Le capital manufacturé s'use et exige maintenance, donc il charge les générations futures alors que le capital naturel s'entretient et se régénère lui-même. Les différentes catégories de capital ont donc des durées de vie très différentes, du capital immatériel qui peut être détruit par un coup d'Etat au capital naturel qui se régénère pour l'éternité. Enfin le capital naturel appartient à tous alors que le capital manufacturé est privatif; le remplacement de l'un par l'autre privatise les richesses (...)
[...] L'autorité doit contrôler leur utilisation en s'appuyant sur des indicateurs physiques. Pour les autres ressources, mieux vaut faire appel au marché en corrigeant éventuellement des erreurs (effets externes) sur la base d'indicateurs économiques. L'Ecole de Londres aboutit aux recommandations suivantes pour une croissance durable: ne pas consommer le capital naturel critique au-delà d'une certaine limite (indicateurs physiques); préserver la valeur du stock de capital naturel non critique = les prix permettent d'agréger des ressources très différentes, en tenant compte de leur rareté et de leur utilité; comme il ne faudrait pas que la destruction d'une ressource rare soit compensée par la hausse de son prix, cette règle s'applique à l'analyse d'un pays, dont les choix n'ont guère d'incidence sur les prix mondiaux des ressources; ou alors, on l'utilise "à prix constants", donc on évalue la variation de la valeur du capital naturel en utilisant les mêmes prix de référence. [...]
[...] Pour contrôler la croissance durable selon cette logique, les indicateurs physiques vont largement prendre le pas sur les indicateurs économiques. Concrètement: l'utilisation des ressources renouvelables ne doit pas dépasser leur taux de renouvellement; leur exploitation ne doit pas contribuer à la dégradation de l'environnement les émissions (déchets, pollutions) doivent être inférieures à la capacité d'assimilation du milieu. La condition du capital naturel constant n'interdit pas non plus d'utiliser des ressources non renouvelables, dans la mesure où la substitution est possible à l'intérieur de l'ensemble du capital naturel. [...]
[...] Même une baisse du stock de capital global est compatible avec le développement durable si elle est compensée par une augmentation suffisante de la productivité du capital (la hausse de A compense la baisse de 3 KG). Une hypothèse contestable de l'approche du stock de capital global est que toutes les formes de capital sont des substituts parfaits. C'est comme si la disparition de la couche d'ozone (diminution du capital naturel) pouvait être compensée par des investissements de protection contre les effets des UV (augmentation du capital manufacturé). [...]
[...] E Capital manufacturé a F b Capital naturel A B Bien-être c d C D G Capital humain H Capital immatériel Figure Relations entre catégories de capital 3.2 Condition faible du développement durable Une première condition du développement durable, dite condition faible ou règle de Hartwick, est 2 que la somme des capitaux, soit le stock de capital global ne diminue pas. KG = KN + KM + KH + KI est constant Pour maintenir cette condition, il faut que la rente de rareté retirée de l'exploitation du capital naturel qui ne se renouvelle pas de lui-même soit investie dans du capital produit: capital manufacturé, humain ou social. [...]
[...] Mais il est inutile d'assembler un trop grand nombre d'espèces, qui peuvent devenir concurrentes: relation en forme de cloche entre le nombre d'espèces et la production. Par contre, la possibilité d'assembler différents "portefeuilles" d'espèces permet d'adapter le milieu aux conditions ambiantes variables. Pour la qualité de la biodiversité en Suisse et les menaces auxquelles elle est exposée, voir www.biodiversity.ch. Voir aussi le numéro 3/06 du magazine Environnement de l'OFEV consacré à la biodiversité. Cette approche implique généralement que l'activité économique et la population ne devraient plus croître, voire même décroître. [...]
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