L’œil des mathématiques et le regard des économistes, d'après un article d'Alain Bienaymé

Résumé du document

Le questionnement de Alain Bienaymé est simple et peut se formaliser ainsi : Les mathématiques sont-elles un corolaire indispensable au développement de la science économique ?
L'auteur va, à travers les différentes parties de son article, présenter les arguments en faveur des mathématiques dans l'économie, il retiendra principalement que: les mathématiques servent la pensée économique en la précisant ainsi qu'en lui conférant la rigueur nécessaire au raisonnement scientifique tout en renforçant la puissance de ce dernier. Parallèlement à cela, il exposera les critiques pouvant être adressées à ces arguments, les principales étant que : les mathématiques pervertissent la pensée économique (par excès de logique, par détournement de l'objet de recherche initial..), et n'explorent que l'angle quantitativiste de la science économique au détriment de l'aspect qualitatif.

La démarche méthodologique la plus judicieuse nous dicte de détailler cet argumentaire point par point afin de préciser au mieux la pensée de A. Bienaymé, cette tâche tendra à être effectuée le plus objectivement possible afin de ne pas trahir l'intention de l'auteur. Dans ce but, nous retiendrons donc un travail linéaire quant au déroulement et à l'enchaînement des différentes parties composant l'article, de fait, son argumentaire conservera son unité et sa cohérence.

Extraits

[...] Il est donc malavisé d'interpréter l'action humaine en faisant l'économie de sa dimension qualitative, cependant le problème est plus complexe qu'il n'y paraît, intégrer le fondement qualitatif à la théorie mathématique n'est pas aussi aisé que de le dire : l'Economie des organisations nous oblige à pénétrer un monde souterrain, opaque, moins facile à quantifier La critique faite à l'Economie mathématique se fait alors plus acerbe, car l'auteur s'offusque que cette dernière focalise son attention sur une dimension inessentielle de la réalité économique. La Mathématique économique laisse à penser qu'elle est une science des quantités produites, alors que la Science économique est une science des actions économiques. [...]

[...] En effet, le développement de l'Economie mathématique ne fait pas foi en ce qui concerne sa pertinence ; mais peut-on pour autant en déduire que les Mathématiques sont utiles, mais pas nécessaires au développement de la Science Economique ? C'est un pas qu'ont franchis, entre autres, Morgenstern, Leontief, Allais et Baumol, considérant l'outil mathématique comme un instrument utile, mais à portée limitée tant sur un plan analytique que prédictif ; il ne faut donc pas galvauder d'autres approches alternatives de la science économique sous prétexte d'une formalisation mathématique prétendument exclusive de l'explication de l'Economie : la profession des économistes implique l'éclectisme des approches, la reconnaissance du fait que le progrès de la connaissance est un processus partagé en ce sens, on ne compte pas les progrès décisifs qui ont été réalisés sans l'aide de mathématiques sophistiquées, ainsi que l'on fait : Schumpeter, Hayek, Coase, Simon ou même Williamson. [...]

[...] Afin de minimiser ce biais méthodologique, A. Bienaymé préconise des recherches menées par d'autres voies d'abstraction sans pour autant abandonner la voie mathématique. Les Mathématiques économiques peuvent, dans certains cas (heureusement), mettre en œuvre un raisonnement déductif et/ou prédictif exact ; cependant, il est apocryphe, d'appréhender la formulation mathématique par comparaison à la formulation syllogistique : elles n'ont pas les mêmes exigences ; la formulation verbale est plus générale, sans pour autant être moins précise. Il serait fallacieux d'imaginer que les mathématiques ont le pouvoir de traduire l'ensemble des propositions de la pensée : elles sont bien plus limitée, c'est à l'économiste de dégager d'un résultat mathématique une analyse économique, et, bien souvent c'est à ce niveau que le bât blesse : lorsque le raisonnement Mathématique arrive à son terme, celui de la recherche du sens, des corollaires, des implications puis des prescriptions, il est possible que la logique joue des tours et connaisse des défaillances On peut, afin d'illustrer cela, citer le modèle de croissance de Solow développant des hypothèses en contradiction avec son objet puisque celles-ci ne pouvaient qu'inhiber la croissance, il explique donc cette dernière par un progrès technique gratuit : une manne tombée du ciel en somme. [...]

[...] et n'explorent que l'angle quantitativiste de la science économique au détriment de l'aspect qualitatif. La démarche méthodologique la plus judicieuse nous dicte de détailler cet argumentaire point par point afin de préciser au mieux la pensée de A. Bienaymé, cette tâche tendra à être effectuée le plus objectivement possible afin de ne pas trahir l'intention de l'auteur. Dans ce but, nous retiendrons donc un travail linéaire quant au déroulement et à l'enchaînement des différentes parties composant l'article, de fait, son argumentaire conservera son unité et sa cohérence. [...]

[...] Excès de langage Le langage Mathématique viserait donc à écarter l'équivoque et l'imprécision des mots, il permettrait de théoriser l'Economie dans l'exactitude et préciserait les hypothèses de travail de l'Economie littéraire. À cette ambition, somme toute louable, on opposera que la mathématisation va de pair avec la mesure sous peine de nuire à la réalité économique, qu'elle veut traduire, dans le cadre d'un recours excessif aux Mathématiques. De surcroit, il faut être d'une vigilance extrême quant aux hypothèses retenues afin de mathématiser un fait économique, cette contrainte revêt un aspect dual (voir même ambivalent comme nous le verrons dans un paragraphe suivant) dans le sens où elle met en jeu deux aspects méthodologiques distincts, celui qualitatif : il ne faut pas, partialement, se borner aux hypothèses les plus aisément formalisables mathématiquement, mais bien, choisir celles étant les plus pertinentes dans la mathématisation de la réalité économique, ainsi, l'aptitude des auteurs en Mathématiques peut- elle modifier la portée de leurs théories économiques. [...]