Au premier abord, les notions d'expropriation et d'environnement semblent étrangères : ni opposées, ni liées. L'expropriation, opération administrative et judiciaire par laquelle la puissance publique contraint un propriétaire foncier à lui céder son bien, dans un but d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité, semble plutôt concerner en premier lieu la propriété privée foncière. Son étymologie même souligne cette relation. Pourtant, divers éléments sont à même de faire tomber cet a priori.
L'expropriation peut ainsi avoir pour vocation de réaliser un projet comportant des risques pour l'environnement, de tendre à protéger l'homme de l'environnement ou enfin de protéger l'environnement lui-même.
Il en résulte que sera étudiée, dans un premier temps, la possibilité de contrecarrer une opération d'expropriation à objectif d'aménagement déclarée d'utilité publique par l'opposition de préoccupations environnementales (« L'environnement, contradicteur potentiel de l'opération d'expropriation », Titre 1), avant d'envisager dans un second temps la mise en oeuvre d'opérations d'expropriation plaçant l'environnement au coeur de l'action foncière (« L'environnement, moteur ponctuel de l'opération d'expropriation », Titre 2).
[...] Jégouzo, le droit de l'environnement offre les moyens de mettre en œuvre ce bilan des bilans. [Les] études préalables, étude d'impact, etc. permettent aujourd'hui de mesurer de manière de plus en plus scientifique les avantages et inconvénients des différentes manières de réaliser une opération comportant un coût pour l'environnement et de déceler le meilleur bilan 88. Il faut souligner que le juge pratique déjà indirectement ce contrôle pour certains projets locaux, par le biais de la théorie de l' équivalence dans la satisfaction de l'intérêt général Le juge s'accorde, en effet, depuis les origines du contrôle du bilan, le droit de vérifier si l'expropriant ne dispose pas déjà de terrains adéquats pour réaliser ses projets89. [...]
[...] Au nombre des inconvénients comparés, se trouve en première ligne la propriété privée, première cible de toute opération d'expropriation. La déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 prévoyant elle-même le cas de l'expropriation dans son article 17, il est souligné que l'atteinte portée à la propriété privée doit comporter un caractère exceptionnellement grave pour être prise en compte comme un inconvénient susceptible de priver une opération de toute utilité publique17. Le coût économique du projet pèse aussi dans la balance : le juge peut ainsi vérifier que les capacités financières de l'institution porteuse du projet soient suffisantes, afin que les finances publiques ne soient pas obérées par celui-ci18. [...]
[...] L'étude de la prise en compte de l'environnement dans l'opération d'expropriation implique de concentrer cette dernière sur cette opération de maîtrise foncière contraignante. Il semble, dès lors, nécessaire d'axer plus particulièrement cette analyse sur le but de la mise en oeuvre d'une telle opération. Définition issue du Petit Larousse. Le radical latin virare (tournoyer) trouve son origine dans le grec gyros (cercle) et exprime l'idée de tour traduisant à la fois le mouvement et l'entourage Ce mémoire ne prétend pas à l'exhaustivité ou au développement de tous les aspects annexes, tels celui de la maîtrise foncière publique environnementale, mais à un tour d'horizon des interactions entre expropriation et environnement. [...]
[...] La préservation et la sauvegarde du patrimoine bâti peuvent aussi être favorisées par l'opération de résorption de l'habitat insalubre. b - La résorption de l'habitat insalubre Cette procédure spécifique a pour principale mission de lutter contre des problèmes de sécurité et de santé induits par l'existence d'immeubles extrêmement vétustes ; ainsi, elle contribue indirectement à l'amélioration du paysage urbain182. L'expropriation d'immeubles peut être mise en œuvre en cas d'insalubrité déclarée irrémédiable d'un immeuble ou d'un îlot. L'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux a énoncé deux critères alternatifs de qualification de cette situation, proches de ceux établis par la Loi Barnier : l'insalubrité peut être considérée comme irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction Lorsque l'un des critères est mis en évidence, une procédure dérogatoire au régime commun de l'opération d'expropriation est applicable: la DUP Vivien Le déroulement de l'expropriation est ici simplifié à l'extrême : aucune enquête publique n'a lieu, et l'arrêté préfectoral de DUP vaut arrêté de cessibilité. [...]
[...] 162036: route départementale amputant le parc d'un château inscrit à l'ISMH ; CAA Nantes 27 septembre 2005 Savelli req. 04NT00319: chemin pédestre dans un site classé et dans le parc d'un château inscrit à l'ISMH Le juge accepte aussi d'étudier les atteintes à la qualité de l'air34, les nuisances sonores35 et la pollution des eaux potables36. La protection du patrimoine naturel en tant que tel n'est que rarement étudiée, et encore moins admise comme élément contradicteur. En la matière, le juge administratif emploie fréquemment une formule lapidaire : Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les inconvénients du projet et notamment les atteintes qu'il entraînera pour l'environnement soient excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente». [...]
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