Migrations et environnement aux abords du lac Tchad : la résilience comme courroie cognitive de cette relation complexe

Résumé du document

C'est en exil au Nouveau Monde, fuyant les révoltes populaires de la Révolution Française, que François-René de Chateaubriand couche cette phrase visionnaire : « Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent » . Alors qu'il vit aux côtés des populations autochtones Natchez d'Amérique du Nord, l'écrivain français prend conscience à la fois de la place de l'Homme, de son rôle dans la modélisation de son milieu et de son impact sur la nature. Deux siècles plus tard, l'Homme poursuit sa coexistence, parfois sa cohabitation, souvent sa confrontation avec son environnement. Il prend à cœur de l'adapter à ses besoins, à ses fonctionnalités. L'Homme fait en sorte que l'environnement l'accompagne dans son essor matériel tout en cherchant à ce qu'il ne soit pas un obstacle à ce même essor. Depuis le commencement, l'Humanité a pris conscience des nombreux profits et satisfactions qu'elle pouvait tirer de son habitat naturel. Des chasseurs-cueilleurs aux artisans, en passant par les cultivateurs jusqu'aux exploitants industriels, l'Homme a toujours voulu profiter de son environnement, le transformer et l'exploiter pour son bien-être. Ainsi, le rapport homme/nature a su être vertueux et bénéfique pour chacun. L'Homme profitant des richesses de la nature, la nature profitant plus occasionnellement de son plus génial habitant pour être mise en valeur. De ce riche rapport didactique, l'Homme a connu le progrès humain, scientifique, technique auquel la nature a grandement contribué.

Toutefois, depuis quelque temps, il semble que l'union entre l'Homme et sa fidèle partenaire soit consommée, et ce à plusieurs titres. D'abord parce que l'Homme, de plus en plus présent, semble aussi être de plus en plus exigeant en termes de besoins . Plusieurs milliards d'hommes vivent désormais sur Terre, sans pour autant que celle-ci ait augmenté à pareille mesure ses capacités naturelles. L'Homme cherche alors à conjuguer ses talents, sa science et son expérience aux cycles naturels de la nature pour que celle-ci s'épanouisse toujours davantage au profit de son hôte. Mais voilà que ce dernier, par excès, semble avoir pêché. Gourmand, vaniteux, inattentif, prétentieux, les fautes sont nombreuses, mais elles ne sont pas celles qui nous intéressent. Que « l'Homme [soit devenu] un loup pour l'Homme » n'est pas improbable ; mais il ne sera pas question d'en juger moralement. Ce travail ne souhaite pas discuter de façon engagée des effets de l'Homme sur la nature. De la même manière qu'il ne s'agira pas prendre partie quant aux effets de l'environnement sur la condition des hommes.

Le dessein de ce travail est de mettre en exergue certains aspects de la relation population/environnement. C'est une relation complexe, multimillénaire, au fil de laquelle l'Homme a tenté peu à peu de contrôler la nature et de la mettre à son service.

Extraits

[...] Steve Gurman, Refugees and the Environment PTSS discussion paper Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, Genève Voir l'Annexe 2 : Rapport sur la présence de réfugiés tchadiens au camp de Maltam 1 pour le compte de l'UICN-BRAC Etienne Piguet, Changements climatiques et courants migratoires, Université de Neuchâtel, Institut de Géographie Robert Malthus, An Essay on the Principle of Population, as it Affects the Future Improvement of Society with Remarks on the Speculations of Mr. Godwin, M. Condorcet, and Other Writers [73]Ester Boserup, The Conditions of Agricultural Growth. The Economics of Agriculture under Population Pressure, London and New York Roger E. Kasperson Jeanne X. Kasperson and Turner II, Regions at Risk. Comparisons of Threatened Environments. United Nations University, Tokyo Lake Chad. [...]

[...] C'est à peu près avec le même ton que Ban Ki Moon, un an et une Conférence plus tard, nouveau Secrétaire général des Nations Unies avait ouvert la Conférence de Bali en 2007. Menace gloable urgence climatique guerre civile mondiale ce champ lexical témoigne d'une certaine vision du changement climatique. Utilisé pour interpeller et conscientiser l'ensemble des destinataires, ce vocabulaire n'en démontre pas moins une certaine idée du changement climatique ; celui d'un phénomène global urgent et menaçant dont il importe de cerner tous les paramètres. [...]

[...] Si le lac disparaît un jour, ce sont plusieurs millions de personnes qui seront affectées par cette catastrophe écologique. Car si le lac n'est plus, cela insinue que les fleuves qui l'alimentaient n'ont plus un débit suffisant pour permettre au lac d'exister. Or, les populations ne vivent pas seulement des eaux du lac mais aussi de ses affluents. La PIWL profite ainsi chaque saison des pluies des crues de débordement du fleuve Logone. Si ce fleuve cesse de déborder et de répandre ses eaux sur la plaine, alors c'est l'ensemble de cette zone qui sera touché de sécheresse. [...]

[...] Selon eux, les responsables institutionnels n'ont pas permis aux populations riveraines du lac de pouvoir continuer leurs activités avec des mesures en faveur de la protection et de la sauvegarde du lac. Preuve d'une politisation de leur pensée, cette dénonciation des institutions gestionnaires du lac illustre la tendance des populations, même rurales, à s'emparer occasionnellement du registre de dénonciation, pour justifier l'état du lac et les conséquences migratoires de ces changements environnementaux. Face à ces contraintes, certains modes de vie et de production ont mieux su affronter les dégradations continues du milieu, parmi lesquels ceux des bergers transhumants. [...]

[...] À partir de ce moment, les populations ont regagné le cœur de la plaine. Les peuples transhumants ont intensifié leur passage dans la zone et allongé leur temps de pâtures sur les sols de la plaine, davantage riches en eau et en nourriture pour les troupeaux que le reste de la région. Ainsi, si la réouverture des vannes du barrage a favorisé l'amélioration des conditions environnementales dans la zone, elle a aussi conduit à la multiplication des passages transhumants et des éleveurs installés sur ces terres réinondées. [...]