Les Etats-Unis sont aujourd'hui le principal émetteur de gaz à effet de serre, à hauteur de 25%, et sont reconnus pour leur mode de vie peu respectueux de l'environnement. Il suffit de faire un court séjour aux Etats-Unis pour voir affluer les gros 4x4, ces « gas greedy cars », tellement prisés par les Américains. De plus en plus les Américains ont-ils tendance à s'isoler sur la scène internationale en refusant, par exemple, de signer le protocole de Kyoto ratifié, rappelons-le, par 150 pays dont la Russie, un autre gros pollueur. Et à l'heure où devrait prévaloir l'état d'alerte face à la montée des inquiétudes de presque tous les scientifiques, l'administration Bush continue d'ignorer le problème en poursuivant, entre autres exemples, la conquête de l'or noir dont la combustion est aujourd'hui reconnue comme étant le principal responsable du réchauffement planétaire. Pendant ce temps là les glaciers fondent, faisant disparaître progressivement certains pays de la carte et de plus en plus d'espèces menacées sont sur le point de disparaître. Le problème de l'eau qui vient à manquer n'est pas non plus rassurant : un habitant sur cinq n'a pas accès à l'eau potable et la sécheresse menacent bon nombre de régions comme au Kenya où des fermiers se font attaquer par des éléphants, devenus beaucoup plus agressifs par le manque d'eau. Même s'il n'est pas évident que tous les dérèglements climatiques sont imputables au réchauffement, il conviendrait tout de même de respecter le principe de prudence, ce que refusent significativement les Etats-Unis. Or il ne s'agit pas là d'un problème d'ordre national puisque le réchauffement climatique provoqué ou plutôt attisé par les uns se répercute forcément sur d'autres agents qui sont souvent les plus pauvres et les moins à même de répondre rapidement et efficacement aux difficultés auxquelles ils doivent faire face. C'est donc un comportement unilatéral aux effets multilatéraux qu'il faut sans doute blâmer.
Cela étant dit, il serait dommage de s'arrêter à cette perspective. Les Etats-Unis sont, certes, un très gros pollueur, mais aussi un pays dont la culture est largement imprégnée du sentiment d'espace et de nature sauvage, la wilderness, qui a fait le bonheur des premiers colons. L'environnementalisme est d'ailleurs né outre-Atlantique et les approches américaines en matière d'environnement ont nécessairement influencé l'écologie politique en Europe et dans le monde. Le titre de cet essai peut donc prêter à confusion puisque l'écologie se définie aux Etats-Unis comme une discipline scientifique et doit donc être différenciée de l'écologie politique européenne. L'on utilisera donc désormais le terme environnementalisme pour désigner l'équivalent américain de l'écologie politique européenne.
Le vrai paradoxe est donc qu'une culture dévastatrice des ressources et des milieux naturels se soit développée au cœur d'une nation littéralement créée sur des mythes ayant trait à la nature. Comment peut-on expliquer ce paradoxe ? Et quelles sont les perspectives d'avenir ?
L'ambition de cet essai est donc de mieux comprendre pourquoi les Etats-Unis se marginalisent de plus en plus sur la scène environnementale mondiale mais aussi de savoir si l'on peut généraliser cette tendance aux américains, aux entreprises voire aux différents Etats eux-mêmes qui ont souvent joué tout au long de l'histoire des Etats-Unis le rôle de contre pouvoir face à l'Etat fédéral. Auparavant nous aurons justement éclairci la relation entre une gestion durable de l'environnement, c'est à dire « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », et une démocratie pleinement exercée. L'analyse du comportement des Etats, dans la dernière partie, apportera alors un éclairage supplémentaire sur cette question.
Trois ouvrages ont largement contribué à la rédaction de cet essai. D'un côté, l'ouvrage d'Olivier Delbard, Prospérité contre écologie, ainsi que celui de François Duban, L'écologisme aux Etats-Unis : histoire et aspects contemporains de l'environnementalisme américain, ont permis d'avoir une approche à la fois descriptive, historique et contemporaine de la relation entre l'identité américaine et la manière d'appréhender les questions environnementales. D'un autre côté, l'ouvrage de Robert F. Kennedy Jr, Crimes against nature, a permis de mieux comprendre la politique de l'administration Bush que nous développerons tout au long du troisième chapitre.
[...] C'est donc un comportement unilatéral aux effets multilatéraux qu'il faut sans doute blâmer. Cela étant dit, il serait dommage de s'arrêter à cette perspective. Les Etats-Unis sont, certes, un très gros pollueur, mais aussi un pays dont la culture est largement imprégnée du sentiment d'espace et de nature sauvage, la wilderness, qui a fait le bonheur des premiers colons. L'environnementalisme est d'ailleurs né outre-Atlantique et les approches américaines en matière d'environnement ont nécessairement influencé l'écologie politique en Europe et dans le monde. [...]
[...] Sans doute parce que l'industrie énergétique a donné 48 millions de dollars au Président[26] et à son parti durant sa campagne présidentielle de 2000 et ont depuis versé 58 autres millions de dollars. Aujourd'hui de nombreuses industries enfreignent le Clean Water Act et le Ressource Conservation Recovery Act qui interdisent les rejets de déchets toxiques dans les sols. Le fondamentalisme de marché : une religion ? La question se pose donc de savoir quelle idéologie sous-tend cette logique déraisonnable qui favorise les acteurs du marché aux détriments des citoyens et de leur environnement. [...]
[...] Nous comprendrons mieux cela en analysant l'impact de la Wise Science sur les décisions de l'administration. Quand la Wise Science, science de la (dé)raison entre en jeu Parmi les organisations faisant pression sur le gouvernement pour le démantèlement d'un certain nombre de réglementations environnementales, en voici quelques exemples : The Citizens For the Environment ; The Environmental Conservation Organization ; The Evergreen Foundation ; Citizens for Sensible Control of Acid Rain. Ces groupes ont adopté des noms pro environnementaux afin de mieux cacher leurs jeux. [...]
[...] Que dire d'une démocratie lorsque la science elle-même, source de vérité, est corrompue au plus haut point ? Et même s'il ne fait aucun doute que tous les scientifiques du pays sont loin d'être corrompus, on peut facilement avancer que cette corruption n'a jamais été portée à un tel degré auparavant. Parmi les nombreuses cibles de John Graham figuraient les Clean Air Act et Clean Water Act ainsi qu'une nouvelle réglementation de l'EPA dont l'objectif était de réduire le niveau d'arsenic contenu dans l'eau potable. [...]
[...] L'écologie aux Etats-Unis est donc un problème complexe auquel on ne peut répondre sans comprendre la culture américaine dans son ensemble. Et quand on songe aux grandes choses que ce peuple a accomplies, l'on est en droit de penser que les américains finiront, un jour où l'autre, par adopter un mode de vie beaucoup plus respectueux de la nature sans pour autant remettre en cause le rêve américain. Or c'est ce qui pose problème aujourd'hui. Espérons simplement qu'il ne faudra pas attendre trop longtemps avant qu'ils ne se décident à suivre la voie du développement durable, car pendant ce temps là les glaciers fondent. [...]
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