Alors que l'explosion de l'usine de nitrate d'ammonium AZF (Azote Fertilisants) le 21 septembre 2001 à Toulouse constitue la plus grande catastrophe industrielle dans l'Histoire de notre pays, la décision du tribunal correctionnel de Toulouse débouchant sur la relaxe des présumés coupables et de l'entreprise Grande Paroisse, filiale de Total, fut particulièrement controversée et provoqua l'indignation des associations de victimes s'étant constituées partie civile, et concomitamment celle de toute la ville rose où les traces de la catastrophe restent encore omniprésentes à l'heure actuelle.
Il convient également d'envisager ici, la crise qui a secoué les institutions et acteurs publics comme privés suite à cet événement, puisque la difficile de gestion de crise a conduit ces mêmes agents à imaginer de nouvelles mesures et solutions face à cette réalité inédite.
Dans cette étude de cas sur la politique publique française (au sens de solution publique apportée à un problème de société) en matière de prévention des risques industriels, nous analyserons donc la question de l'efficacité du processus politique et les mécanismes de responsabilité partagée entre l'organisation (l'usine AZF, filiale de l'entreprise Total), l'institution judiciaire (et à travers l'Etat), et enfin l'instrument de politique publique en lui-même, c'est-à-dire le corpus législatif national et européen en perfectionnement permanent depuis le début des années 1970.
Dans cette perspective, nous nous demanderons : dans quelle mesure la catastrophe et le procès d'AZF mettent en exergue l'échec d'une politique publique ancienne de prévention des risques industriels et les conflits d'intérêts omniprésents au sein des institutions publiques et privées ? En quoi peut-on affirmer que ces phénomènes soient préjudiciables à l'effectivité de l'Etat de droit ? Enfin, les apports récents en la matière permettent-ils de poursuivre réellement la logique d'optimisation des politiques publiques ?
[...] En effet l'accusation n'a pas été en mesure de prouver les éventuelles fautes organisationnelles permettant d'engager la responsabilité des présumés coupables. Dès lors, les accusations d'homicide involontaire, blessures involontaires, déstructurions et dégradations involontaires par l'effet de l'explosion, et autres infractions au Code du travail, ont toutes été abandonnées par le tribunal rappelant qu'en matière pénale, il convient de prouver la faute commise et un lien de connexité direct entre cette faute et les dommages en cause. Or, les nombreux doutes subsistant sur les circonstances de la catastrophe et ne rendent impossible la détermination d'un chef d'accusation avéré, notamment parce que les experts de chaque partie ont développé des thèses contradictoires sur le sujet nourrissant par là même la difficile identification des responsabilités. [...]
[...] Analyse de politiques publiques La catastrophe d'AZF (2001-2009) L'échec d'une politique ancienne de prévention des risques industriels Après le sommet de Copenhague et la tenue du Grenelle de l'environnement en France, l'année 2009 a été intense en termes d'avancées législatives nationales ou internationales en faveur du respect de l'environnement. Pourtant, la tenue du procès AZF à la fin de cette même année 2009 a mis en exergue les défaillances légales et judiciaires en matière d'application des lois et l'échec manifeste des politiques préventives contre les risques industriels. [...]
[...] Ce fossé majeur entre normes et pratique met ainsi en question la démocratie, pour reprendre l'analyse développée par Marie-Gabrielle Suraud et nous invite à aborder les réponses apportées par les institutions de l'Etat face à cet événement d'une ampleur malheureusement exceptionnelle. Nous constaterons ainsi dans une seconde partie, à la fois le manque d'efficacité de l'institution judiciaire dans la détermination des responsabilités de chacun autour de la catastrophe, et la faible réussite, pour ne pas dire l'échec, des logiques participatives initialement intégrées au processus d'optimisation de la nouvelle politique publique de prévention des risques, deux défaillances provoquées par l'omniprésence des conflits d'intérêts au sein des arènes de pouvoir. [...]
[...] Elle tue officiellement 30 personnes (dont 22 se trouvent sur le site chimique) en blesse des milliers, et endommage ou détruit 27000 structures immobilières. Le montant des dégâts matériels est estimé à 2 milliards d'euros. Perçue jusqu'à 40 km de Toulouse, l'explosion provoqua concomitamment une secousse sismique évaluée à 3,4 sur l'échelle de Richter. Prenant de court les plans d'urgence, l'importance de la catastrophe n'est pas prise en charge par les systèmes de sécurité et d'alerte qui n'ont pas fonctionné (les sirènes censées se déclencher ayant été soufflées par l'explosion), alors que les réseaux de communication ont été très vite saturés, à l'instar de la diffusion de messages urgents à la population. [...]
[...] Au-delà, la catastrophe a déstabilisé l'ensemble des agents touchés par la question, et a provoqué des mois durant une mobilisation de grande ampleur contre le pôle chimique où se trouvait l'usine pour obtenir la fermeture des usines. Cette mobilisation s'est donc principalement dirigée contre les décideurs (industriels, Etat, élus) mais s'est également confrontée aux salariés des usines concernées. En ce sens, la catastrophe a généré une crise sociale relativement inédite. Cet effet de déstabilisation est d'autant plus intense que malgré les nombreuses lois pour prévenir cette catégorie de risque, et protéger et sécuriser les populations lors de tels événements, le fait est que tous les mécanismes légaux ont échoué avant, pendant et après la catastrophe. [...]
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