Tous les économistes s'accordent pour affirmer que la protection de l'environnement reste un domaine pour lequel le marché demeure défaillant. On parle ainsi souvent d'externalités: l'activité des agents économiques détériore directement l'environnement collectif et ce malgré l'aspect rationnel de ce comportement à l'échelle individuelle. L'attitude qui prévaut est alors celle du « free rider » : les agents économiques attendent que les autres membres de la collectivité consentent à des efforts en matière environnementale tout en continuant à épuiser les ressources d'une planète caractérisées par leur caractère limité.
Le système capitaliste semble, de fait, se trouver face à une contradiction intangible: les richesses en son sein ne cessent de s'accumuler mais son avenir demeure incertain à long terme du fait d'un indéniable phénomène de réchauffement climatique. Les rapports du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) ont explicitement reconnu la responsabilité de l'homme au sein de ce phénomène ainsi que la dangerosité de ce dernier. Un certain nombre de préconisations d'ordre politique s'est alors développé face à cet aléa climatique. Les premières initiatives demeuraient surtout réglementaires : il s'agissait d'imposer un seuil maximal de pollution à certains secteurs de l'activité économique. Ces mesures se caractérisaient toutefois par leur aspect lacunaire : mal acceptées par les industriels, elles ne présentaient que de faibles objectifs.
C'est dans ce contexte d'interrogation concernant les décisions à prendre afin de lutter contre le réchauffement climatique qu'apparait, dans les Etats-Unis des années 60, la notion de « marché de droits à polluer ». Un « marché de droits à polluer » tend, comme nous le verrons, à rendre les entreprises responsables vis-à-vis de la pollution qu'elles engendrent. Un certain niveau de pollution, un « quota » leur est attribué au début d'une période donnée et celui-ci doit être respecté tout au long de la période considérée. Une entreprise ayant dépassé son « seuil de pollution » peut dès lors acheter des « droits à polluer » à une entreprise qui, plus vertueuse, n'a pas atteint son niveau maximal de pollution et ce pour se mettre en conformité avec des exigences environnementales juridiquement imposées par l'Etat.
Notre problématique consistera donc à se demander dans quelle mesure les logiques marchandes peuvent-elles apporter une solution viable au problème du changement climatique, que ce soit sur le plan environnemental ou sur les plans économiques et sociaux.
[...] Le fait d'attribuer gratuitement les permis a également véhiculé l'attribution de windfall profits c'est-à- dire de profits d'aubaine : les entreprises ont pu profiter de ces permis, devenus des actifs financiers à part entière, afin d'augmenter encore plus leur chiffre d'affaires. Ces entreprises seraient alors les véritables vainqueurs de la marchandisation des droits à polluer, les enjeux environnementaux passant alors derrière des logiques purement entrepreneuriales. Le SCEQE demeure, de manière plus globale, totalement dépendant de la sphère économique et financière et ceci est particulièrement patent avec la crise actuelle. [...]
[...] Les marchés des droits à polluer ont, de plus, l'avantage de présenter une certaine flexibilité qui permet aux entreprises de s'orienter vers l'abaissement de leur niveau de pollution tout en continuant d'avoir une capacité productrice satisfaisante. Ces marchés prévoient, en effet, des transferts de quotas entre les entreprises en position longue (qui présentent plus de quotas que d'émissions effectives) et les entreprises en position courte (qui ont émis plus de substances polluantes que le niveau qui leur était alloué par l'État). [...]
[...] Nous nous intéresserons plus spécifiquement, dans un second temps, au marché européen des permis de polluer. Crée en 2005, celui-ci correspond, en effet, à la première véritable institutionnalisation à grande échelle de ces logiques marchandes appliquées à la thématique environnementale et permets de percevoir les éventuelles failles substantielles d'une telle démarche. Le marché de droits à polluer : un concept théoriquement et expérimentalement solide Il s'agit donc, tout d'abord, d'analyser la force théorique et pratique de ce concept très en vogue à l'heure actuelle de marché de droits à polluer Si nous démontrons, en nous basant sur une analyse microéconomique, son efficacité conceptuelle vis-à-vis d'autres politiques climatiques nous évoquerons également quelques-unes de ses applications concrètes ayant contribué à sa renommée La pertinence microéconomique des marchés de droits à polluer Nous comprendrons ici dans quelle mesure les processus de flexibilité sous-jacents aux marchés de droits à polluer permettent d'expliquer leur succès face à d'autres politiques climatiques (les politiques de contrôle commande ainsi que les politiques fiscales en l'occurrence). [...]
[...] Le marché de droits à polluer, l'actuelle doxa des politiques environnementales. Il demeure important de comprendre que personne n'envisageait, à l'orée des années 90, que ces marchés de droits à polluer allaient devenir les référentiels d'action clefs des politiques environnementales. Les Européens étaient, pour leur part, majoritairement tournés vers le système de la taxe pigouvienne. La Commission européenne proposait, par exemple, en 1992, l'instauration d'une taxe carbone-énergie au sein de l'Union. La Commission ne parviendra toutefois jamais à imposer cette préconisation, les États membres restant attachés à leur autonomie fiscale et n'acceptant pas que l'Union européenne s'immisce dans ce domaine réservé de la politique nationale. [...]
[...] Ce constat reste, à court terme, positif dans le cadre la lutte contre le changement climatique. Outre les dommages sociaux impliqués par une telle situation de crise, nous pouvons affirmer que le faible coût des permis reste toutefois, à long terme, très dangereux pour la régulation des émissions de CO2 : les entreprises ne sont, en effet, pas incitées à investir dans des moyens de production moins polluants, car elles savent qu'elles peuvent potentiellement acheter des permis d'émission à bas prix, cet achat leur permettant de préserver leur mode de production fortement émetteur de CO2. [...]
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