Parmi les pays notoirement menacés par le phénomène de dégradation des sols, la Chine fait face à une situation complexe. Dans une perspective d'autosuffisance alimentaire chère au gouvernement, les paysans chinois sont sensés nourrir plus d'un cinquième de la population mondiale en disposant de moins d'un dixième des terres arables de la planète, dont la surface se réduit de plus d'année en année.
Alors qu'on assiste à l'émergence d'une classe moyenne dont la consommation est en pleine expansion, les statistiques indiquent que le pays est en proie à une avancée inquiétante de différentes formes de dégradation des sols, avec plus ou moins un tiers de sa superficie qui serait déjà désertique.
Or, après environ 7000 ans de pratique, l'agriculture reste de loin l'activité économique la plus répandue du pays et il semblerait que la majorité des surfaces cultivables aient déjà été exploitées, y compris les terres marginales ou difficilement accessibles. Si l'on exclut l'éventualité d'une nouvelle expansion territoriale, une gestion soutenable et efficace de ces précieuses ressources représente l'unique alternative dont dispose l'Empire du Milieu pour satisfaire durablement ses besoins en matières premières.
L'approche développée ici consistera à partir d'un cadre qui considère le pays dans son ensemble et à travers son histoire pour progressivement se rapprocher du présent et de contextes observables, en passant par différents échelons géographiques et sociopolitiques du pays. Il est en effet essentiel de comprendre le cheminement qui a abouti à la formation des grands programmes nationaux de lutte contre la dégradation environnementale avant de s'intéresser à leur mise en application sur le terrain et aux dérives que cela peut engendrer.
Dans cette optique, les chaînes explicatives seront mises en contraste avec une analyse critique du discours, afin de chercher à comprendre comment les problématiques écologiques liées à la gestion des sols en Chine sont socialement construites. Identifier les mécanismes qui façonnent le discours dominant nous permettra d'émettre des hypothèses en vue d'expliquer pourquoi certains aspects des chaînes explicatives sont privilégiés au détriment d'autres et de déterminer les implications de tels processus.
[...] En plus de l'afforestation dont il est question ici, on peut aussi évoquer l'impressionnante transformation de la ville de Pékin à l'occasion des Jeux Olympiques de 2008, dont l'aspect écologique fut fortement médiatisé, mais dont l'efficacité à long terme peut être mise en doute (Chen G pp. 88-102). Le géographe Shaul E. Cohen décrit cette instrumentalisation des arbres dans son ouvrage Planting Nature : Trees and the Manipulation of Environmental Stewardship in America, Berkeley: University of California Hajer (2008), pp. 65-69. [...]
[...] Cette perspective me semble mieux adaptée à la Chine, s'agissant d'un État fort et autoritaire ayant récemment sauté à pieds joints dans la compétition mondiale. Cette compétition s'inscrit non seulement dans le marché, mais également dans les divers jeux d'influences qui ont lieu la scène internationale. Dans ce contexte, l'image d'une nation est essentielle et le Parti l'a bien compris ; il cherche donc à renforcer son soft power[67] pour être le plus attractif possible. Ainsi, les décisions prises par le PCC subissent l'influence du regard de la communauté internationale et sont appliquées de façon très centralisée (dû à la nature de l'État). [...]
[...] Pour illustrer l'importance de l'image, considérons les aspects symbolique et politique des arbres qui sont au centre des grands projets d'afforestation chinois (que nous analyserons à partir de la section suivante). Sous une pression internationale grandissante, la Chine se doit de prendre des mesures spectaculaires pour améliorer son image.[68] Or, planter des arbres est devenu un symbole dominant de la lutte contre la dégradation de l'environnement, du fait que l'on attribue aux forêts diverses propriétés écologiques essentielles comme la régulation climatique ou la fixation des sols (des qualités que nous remettrons d'ailleurs en question). [...]
[...] Il est en effet essentiel de comprendre le cheminement qui a abouti à la formation des grands programmes nationaux de lutte contre la dégradation environnementale avant de s'intéresser à leur mise en application sur le terrain et aux dérives que cela peut engendrer.[15] Dans cette optique, les chaînes explicatives seront mises en contraste avec une analyse critique du discours[16], afin de chercher à comprendre comment les problématiques écologiques liées à la gestion des sols en Chine sont socialement construites. Identifier les mécanismes qui façonnent le discours dominant[17] nous permettra d'émettre des hypothèses en vue d'expliquer pourquoi certains aspects des chaînes explicatives sont privilégiés au détriment d'autres et de déterminer les implications de tels processus. [...]
[...] Wang et al. (2010), p Les statistiques seraient souvent gonflées pour des raisons de propagande Ibid., p Cao (2008), p Ibid., pp. 1828-1829. Ibid. Wang et al. (2010), p Voir également Liu et Diamond (2008, p. qui témoignent de leur enthousiasme pour les programmes chinois de restauration environnementale. Cao et al. [...]
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