Les engagements de l'Union européenne dans la lutte contre le réchauffement climatique sont forts. Ils s'inscrivent dans la volonté de ne pas dépasser 2°C de température moyenne par rapport à la situation préindustrielle. Le 23 janvier 2008, la Commission a fait connaître son engagement ferme de réduire de 20 % ses émissions à l'horizon 2020 sur la base 1990, et un objectif plus large de réduction de 60 à 80 % d'ici à 2050.
Au dernier sommet climatique mondial à Copenhague, l'Union Européenne a rêvé s'imposer leader mondial dans la lutte contre le changement climatique. Malgré l'échec, une formidable création fiscale commune lui permettrait de se replacer sur le devant de la scène en réduisant efficacement ses émissions de GES1, sans compromettre sa reprise économique et en respectant ainsi les engagements. Il s'agit d'une taxe carbone européenne. Souvent évoqué, parfaitement étudié, ce dispositif pourtant bien connu et déjà en vigueur dans de nombreux pays nordiques rechigne à percer à l'échelle communautaire.
En matière de réduction de GES et autres agents polluants, un homme politique a deux moyens d'agir. Le premier se base sur la contrainte, ou norme. Un seuil d'émission est fixé, à charge des entreprises et des ménages de le respecter. Le deuxième se base sur un mécanisme de marché. Une valeur est assignée au carbone [Quinet, 2008], et cette valeur est appliquée économiquement par un mécanisme de quotas - le prix est implicitement fixé par les quantités, ou de taxe.
La première méthode (normes) est bien sûr la plus inefficace. Le coût de la réduction d'émissions peut fortement varier d'une entreprise à l'autre. Se contenter d'imposer une norme unique reviendrait à introduire des distorsions injustes et létales pour certaines industries ! La taxe carbone, elle, n'est autre que l'application du principe si bien connu de « pollueur-payeur ».
[...] Dans ce débat entre économistes, que dit la Commission ? Si elle reste plutôt silencieuse en ce moment, préférant se concentrer sur son système de quotas, elle s'est déjà mouillée sous l'influence de Jacques Delors à produire une proposition, pour la préparation de la conférence de Rio. C'était en 1991, sur l'éventuelle introduction d'une taxe mixte carbone/énergie. Cette taxe ne concernait pas seulement les émissions carbone mais aussi l'énergie, et ce afin de ne pas avantager des pays comme la France [Schubert, 2009] dont la production d'électricité repose en grande partie sur le nucléaire, secteur pour lequel les émissions sont faibles. [...]
[...] J'insiste sur la certitude de l'évolution. Il faut que les règles du jeu soient connues dès le départ, un changement de progression en cours de route entrainerait de lourdes pertes pour la société. La notion relayée par tous les défenseurs de ce mécanisme est celui de double dividende. Non seulement, on met en place un système qui favorise la réduction des émissions, c'est le premier dividende, mais on tire en plus de ce système des recettes fiscales qui peuvent être réallouées dans l'économie. [...]
[...] Et les conséquences ne sont pas uniquement économiques. Les pays les moins respectueux de l'environnement, qui verront leur productivité relative boostée par cette taxe, auront une politique qui refusera becs et ongles de s'engager dans des traités internationaux, car cela reviendrait à couper une des branches sur lesquels ils sont assis. Les lobbys industriels prendront un énorme pouvoir. On s'engage alors dans un cercle vicieux, où la non-coopération initiale rend quasi-impossible une noncoopération future [Ismer & Neuhoff, 2004]. Il faut bien voir que ce scénario ne se produira qu'en cas de noncoopération en matière environnementale de la part des pays extérieurs à l'Union, ou bien de coopération mais avec des objectifs affichés bien plus faibles. [...]
[...] Autrement dit, la productivité des pays les moins regardants envers l'environnement se trouvera renforcée, le coût de production des biens intenses en énergie étant de plus en plus fort dans l'Union. Leur activité économique sera gonflée et au final le niveau total des émissions inchangé. On peut dire que ces pays gagnent un avantage comparatif en terme de norme environnementale. L'augmentation du prix général des biens sera aussi plus faible que dans la situation où la taxe est appliquée dans le monde entier Le signal-prix sera donc moins élevé, tout comme le niveau du changement de comportement des ménages. [...]
[...] Deux effets sont à observer, liés au double dividende ; sur le niveau d'émissions et sur l'activité économique. Nous nous basons ici sur les conclusions d'une étude de l'OCDE [Nicoletti, 1992] qui a étudié grâce à un code d'équilibre général dynamique (GREEN) les conséquences de l'introduction de la taxe mixte proposée par la Commission précédemment citée. Nous n'entrons pas ici dans le détail des chiffres pour ne pas perdre le lecteur dans les multiples hypothèses. L'effet sur la réduction des émissions en Europe est net, à l'inverse la situation économique, mesurée par le PIB, chute très faiblement comparé à un scénario Business As Usual de l'ordre du pourcent en dix ans. [...]
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