Le langage nous est tellement familier, nous l'utilisons si spontanément, qu'il est parfois difficile d'en repérer les différents usages ou la portée profonde. S'il est presque évident que, dans la vie quotidienne, nous l'employons pour communiquer avec les autres, il est vraisemblable que ce n'est pas sa seule fonction.
[...] Langage et repérage du monde Du monde, ou du réel nous ne pouvons dire que ce que nous savons nommer Complémentairement, nommer les choses, c'est en sous- entendre une connaissance au moins partielle, puisque nous savons les isoler des autres. Il suffit que je me promène dans une forêt avec un spécialiste en botanique pour constater qu'il connaît beaucoup mieux les espèces végétales que moi, dans la mesure où les noms qu'il leur attribue supposent qu'il soit capable de les distinguer, alors qu'à mes yeux, et en fonction de la pauvreté de mon vocabulaire dans ce domaine, il n'y a que des arbres ou des buissons Aussi peut-on noter que les scientifiques inventent les mots dont ils ont besoin en fonction de l'avancée de leur savoir (et le vocabulaire scientifique est même celui qui s'enrichit dans les proportions les plus notables). [...]
[...] La conception collective de ces derniers est étroitement liée aux capacités syntaxiques de chaque langue, comme on a pu le vérifier en ethno-linguistique, ce qui signifie que la temporalité varie d'une mentalité (c'est-à-dire d'une langue) à l'autre. Ce n'est évidemment pas seulement par rapport à la nature que le langage me donne de tels pouvoirs ou m'impose de telles relations ; le rapport personnel que j'entretiens avec lui, l'aisance plus ou moins marquée dont je peux faire preuve dans son utilisation, symbolisent fortement mes relations avec autrui et mon statut social. [...]
[...] La richesse du vocabulaire, la compréhension des connotations culturelles, l'accent plus ou moins marqué sont des signes de mon appartenance à un certain milieu, et sont en conséquence implicitement perçus par les autres dans les relations que je peux avoir avec eux : ce qui trouve aussi à se communiquer, c'est un pouvoir, ou la prétention à l'atteindre. III. Le langage et l'élaboration de la pensée Parler, selon Descartes, c'est au sens strict témoigner que l'on dit ce que l'on pense. [...]
[...] Mais cela ne signifie pas que l'on aurait pensé avant de formuler cette pensée première dans des mots. On doit au contraire admettre que le langage intervient dans l'élaboration de la pensée, ou si l'on préfère du pensable. La situation de l'enfant en témoigne, qui ne peut réfléchir ou penser au-delà des mots qu'il connaît, mais on aurait tort de croire qu'ultérieurement l'adulte échappe à cette détermination. [...]
[...] La communication : fonction première du langage Sous sa forme première, c'est-à-dire orale, ou par sa transposition écrite, le langage nous permet de dire à autrui ce que nous avons envie ou besoin de lui faire savoir, et réciproquement de prendre connaissance de ce qu'il veut nous communiquer Car il n'y a communication au sens propre que si les interlocuteurs échangent des messages en se répondant l'un à l'autre Cette fonction première du langage pour l'homme a été repérée depuis l'Antiquité, et les linguistes contemporains confirment son caractère fondamental au point que, de leur point de vue, toutes les autres fonctions du langage ne sont que des variantes des additions ou des annexes de cette fonction de communication La communication ne suppose cependant ru l'égalité entre les interlocuteurs (cas des ordres donnés à un inférieur de quelque point de vue que ce soit), ni qu'on se préoccupe automatiquement de formuler et de transmettre des ventés on peut aussi facilement communiquer en mentant, et la réussite d'un mensonge (le fait qu'il est cru) peut même donner le sentiment d'une communication particulièrement efficace et persuasive C'est pourquoi, même pour communiquer (et selon la nature de ce que l'on désire communiquer), il peut être nécessaire d'ajouter au message brut une forme plus recherchée que le demanderait la simple transmission d'une information il y a une rhétorique de l'oralité (l'insistance sur certains mots, le débit plus ou moins rapide, etc ) qui favorise la circulation des messages et les rend plus persuasifs Cela indique que la communication, même quotidienne, est rarement neutre ou dénuée de toute intention , elle fait intervenir la subjectivité de ceux qui parlent, et se déroule dans une ambiance intersubjective qui peut être particulièrement complexe Car, en-deçà de ce que semble signifier une phrase, peuvent intervenir des désirs inavoués, des rivalités feutrées, toute cette sous-conversation que Nathalie Sarraute, par exemple, s'est fait une spécialité de mettre en lumière dans ses romans ou pièces de théâtre, en même temps que la conversation manifeste La communication suppose l'intersubjectivité, non comme un milieu inerte, mais au contraire comme l'espace de relations dynamiques et mouvantes entre les sujets même s'il peut arriver que, parfois, le message se réduise à fort peu de chose et n'ait précisément pas d'autre but que d'établir un contact psychologique entre interlocuteurs potentiels, ce qui constitue pour les linguistes la fonction phatique du langage Il est clair cependant que, pour que la communication s'établisse, il est nécessaire de disposer d'un contenu à communiquer, et de savoir le constituer Ce qui oblige à examiner comment le langage nous positionne relativement à ce que nous pouvons avoir à dire du monde, et comment il intervient dans sa formulation. [...]
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