La cérémonie du thé, Cha-no-yu, ou Sado, telle qu'on la connaît au Japon, est encore pratiquée par un large pourcentage de la population : principalement des femmes. Elle est encore reconnue socialement comme une des pré-acquis importants pour la vie maritale : là encore, surtout pour les femmes (hanayomeshugyo). Une épouse qui est une adepte de la cérémonie du thé, et qui sait le servir selon la tradition, est la promesse du maintien de l'environnement nécessaire à la vie moderne, avec son lot de stress et ses obligations multiples. Les avantages d'une bonne intégration d'un tel savoir-faire sont aussi concrètes que spirituelles : quand les sens sont détendus, alertes et réceptifs, les démons du chaos et de la destruction sont moins menaçants. Quel meilleur moyen d'unir et de renforcer une famille, une communauté, que de partager une tasse de thé ?
Il existe quatre composants artistiques et spirituels essentiels dans le monde du thé : «l'harmonie» («wa»), «la révérence» («kei»), «la pureté» («sei») et «la tranquillité» («jaku»). A travers le jardin de thé, la salle de thé et la cérémonie elle-même, on retrouve des représentations de ces éléments : l'eau tirée du bassin de pierre, chozubachi, est considérée comme particulièrement pure ; l'acte de s'accroupir devant l'espace de lavage, tsukubai, est un acte de révérence ; le jardin devrait projeter un sens de l'harmonie que l'on trouve rarement dans la vie quotidienne ; la conscience nécessaire pour l'esprit du thé produit à son tour une tranquillité inconnue dans la plupart des efforts artistiques ou spirituels. Les qualités d'harmonie, de révérence, de pureté et de tranquillité sont intimement intriquées dans chaque aspect du monde du thé.
[...] Ce que nous pouvons emporter avec nous en sortant du jardin c'est un esprit au repos, à l'aise, de nouveau uni avec soi et prêt à l'étonnement, un esprit frais comme au premier jour, harmonieux, tranquille, permettant à notre environnement de se développer sans le souiller avec la notion étriquée d'un progrès fait seulement d'avidité. Entrer dans le monde du roji, s'accroupir humblement devant le tsukubai, se laver les mains et la bouche, ces actes sont maintenant devenus synonymes de l'arrivée dans un autre monde. Mais les deux mondes ne sont pas différents. Ce que nous découvrons en atteignant le sommet était déjà présent pour nous accueillir à l'entrée. Christian Soleil Tokyo août 2004 - Kyoto août 2004. Bibliographie Thé et tao, par John Blofeld et Josette Herbert, éd. [...]
[...] Dans un sanctuaire shinto, devant cette portion de terre ou de gazon réservée pour telle ou telle déité ou abritant la tombe d'un empereur lointain, nous restons immobiles à considérer, en spectateurs, cette ancienne écologie mise en cage comme un animal dans un zoo. En tout cas, dès les débuts du shinto, le jardin a développé un art du paysage proche de celui qu'on connaît aujourd'hui. David Slawson, dans son livre Secret Teachings in the Art of Japanese Gardens (Enseignements secrets dans l'art des jardins japonais) met en avant trois éléments esthétiques qui influencent le design du jardin japonais : le spectaculaire, le sensuel, et le culturel. Le spectaculaire cherche à recréer une scène d'origine historique ou nostalgique. [...]
[...] Le jardin est plus qu'une introduction au monde du thé. Il est une introduction à notre esprit original. Le roji (sentier de rosée) est le chemin par lequel on rejoint la salle de thé, au sens propre comme au sens figuré. Le roji, dont l'étymologie remonte jusqu'au sanskrit, prépare spirituellement l'invité à l'expérience de la salle de thé. Cela représente, comme le souligne Kakuzo Okakura dans son fameux traité Le Livre du thé, premier stade de la méditation - le passage par l'auto illumination». [...]
[...] Shuko a permis au thé de sortir d'un environnement très mondain de résidences privées ou de salles de temples, et il a placé la salle de thé dans un environnement propre, la sukiya, la maison de thé. On lui attribue également l'introduction de la salle de quatre tatami et demi (yo-jo-han) comme taille standard pour la pratique du thé. Il a même essayé d'intégrer le bain dans la cérémonie du thé ! Peut-être sa principale contribution à l'art du thé est-elle d'avoir cultivé l'esthétique de wabi : cette insaisissable qualité du thé à travers laquelle tant de choses peuvent être comprises. [...]
[...] Dans les deux cas, on doit se baisser légèrement pour passer dessous, ce qui encourage une attitude d'humilité nécessaire pour prendre part à la cérémonie. Une fois qu'on arrive dans le jardin intérieur, le sentier qui mène à la salle de thé est rarement droit. Les pierres qui doivent suivre les pas sont placées volontairement à une certaine distance et à une certaine hauteur les unes par rapport aux autres, non seulement pour le plaisir des yeux, mais aussi pour influer sur la marche des invités, sukiya. L'anecdote citée plus haut concernant Rikyû et son fils montre clairement l'importance de la disposition des pierres. [...]
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