Au-delà du niveau national, le football est organisé au niveau mondial et continental. La toute puissante FIFA (Fédération Internationale de Football Association) et l'UEFA (Union Européenne des Associations de Football) regroupent les fédérations nationales. La FIFA, fondée en 1904, est basée en Suisse (à Zurich). Elle a pour mission de réguler le football mondial et d'organiser des évènements au niveau planétaires comme la Coupe du Monde. Elle dispose de ressources financières sans équivalents dans le monde du sport.
L'UEFA, une des six branches de la FIFA, est également basée en Suisse, à Nyon. Fédération continentale la plus importante, elle est chargée de l'organisation d'évènements tels que l'Euro de football (championnat d'Europe des nations) ou la lucrative « Champions League » (coupe européenne ouverte aux clubs nationaux les mieux classés dans leurs championnats respectifs). Les droits télévisuels générés par ces compétitions sont collectés par l'UEFA, qui les répartit aux fédérations nationales ou aux clubs professionnels. Depuis deux décennies, le mode de gouvernance de l'UEFA est soumis à contestation de la part des acteurs « de terrain » du football européen, ligues nationales, clubs et joueurs professionnels, qui lui reproche une organisation trop « pyramidale » négligeant trop leurs intérêts et leurs avis et dans laquelle ils se considèrent insuffisamment représentés et défendus. Plusieurs affaires retentissantes, dont la plus célèbre, « l'affaire Bosman », vont illustrer ces conflits d'intérêts.
L'histoire des relations entre UEFA et structures nationales s'inscrit dans un mouvement général de multiplication des niveaux décisionnaires européens, avec imbrication de différentes strates de gouvernance : les unes nationales, les autres européennes. A ce titre, l'évolution du football professionnel en Europe peut être étudiée à la lumière de celle du projet politique européen, bien que l'organisation du sport relève, en théorie, de la seule compétence des états membres. La signature de l'Acte Unique et du traité de Maastricht va conduire à l'extension des prérogatives de l'Union européenne (UE). Aujourd'hui, le droit européen s'applique à un nombre grandissant d'activités, cela même dans des secteurs qui ne font pas partie de ses compétences directes. Le concept « d'européanisation sans l'Europe » développé par Bastien Irondelle (Irondelle, 2003) à propos de l'influence de l'Union sur la politique de défense de la France, ainsi que sa reprise par Gonzalo Escribano (Escribano, 2006) afin d'expliciter l'impact de l'arène communautaire sur les pays voisins de l'UE dans le cadre de la politique de voisinage, est particulièrement utile pour décrire ce phénomène. Le concept d' « Etat régulateur » de Majone (Majone, 1996) souligne ainsi la capacité de l'Union à agir sur des secteurs ne faisant pas partie de ses compétences par la définition de normes juridiques contraignantes. Le développement du droit communautaire et de la « judiciarisation » des conflits accroît le rôle politique de l'UE, en Europe et dans le monde. Pour de nombreux acteurs, l'UE devient une « structure d'opportunité politique et un point d'ancrage de premier plan » (Tarrow, 2000). Le secteur du football professionnel ne fait pas exception à ces remarques : dans sa dimension économique, ce dernier est soumis au droit européen, notamment dans le cadre des dispositions concernant la concurrence ou encore la libre circulation des travailleurs. Les principaux « acteurs de terrain » de ce secteur (fédérations, ligues professionnelles, clubs, joueurs) peuvent désormais utiliser les institutions européennes pour faire valoir leurs intérêts propres et faire évoluer la gouvernance de l'UEFA, en se référant aux divers « usages de l'Europe », pour reprendre la typologie de Sophie Jacquot et Cornelia Woll (Jacquot, Woll, 2003).
La notion d'européanisation a connu un grand nombre d'acceptions. Toutes sont utilisées pour décrire l'impact de l'UE sur des entités organisées au niveau européen ou national. Comme évoqué plus haut, peu de secteurs échappent au droit communautaire et à la diffusion des « modes de faire » européens, entendus comme le développement de codes et de pratiques de gouvernance fondés sur l'ouverture et sur la transparence.
Dans ce cadre évolutif, comment les acteurs du sport professionnel et plus particulièrement du football peuvent-ils s'organiser pour défendre leurs intérêts propres ? Quelles sont les conséquences des interactions entre l'UE et le monde du football européen ? Quels bénéfices les acteurs tirent-ils de ces interactions ? Enfin, quelles tendances générales ces relations illustrent-elles ?
[...] Dès lors, considérant que la participation au G14 ne demande pas de véritable engagement autre que la cotisation demandée, un certain nombre de clubs vont profiter du caractère prestigieux de cette organisation sans pour autant s'investir auprès des instances dirigeantes du football européen ou de la Commission. De l'aveu même du manager du G14, Thomas Kurth, ce lobby n'a pu avoir le rayonnement ni l'influence escomptée en 2000 lors de sa création. Malgré l'arrêt Bosman, l'UEFA écarte toujours les acteurs du football professionnel du centre de décision. [...]
[...] La place de l'UEFA au sein de ce comité de dialogue sectoriel est également longuement débattue. S'il est certain que la création d'un comité de dialogue sectoriel dans le sport professionnel nécessite des ajustements par rapport aux comités classiques (les fédérations sportives ne peuvent être exclues du comité de dialogue malgré le fait qu'elles ne correspondent ni au statut d'employeur ni à celui d'employé), il reste à déterminer le rôle accordé aux fédérations, en l'occurrence l'UEFA, dans le cadre de cette structure. [...]
[...] Une définition opérationnelle de l'européanisation La définition de Radaelli : un modèle incomplet. La notion d'européanisation a constamment été retravaillée depuis son apparition dans les travaux de sciences sociales concernant l'Union européenne. Si les premières définitions sont d'emblée critiquées, c'est en raison de leur manque de dynamisme et de leur focalisation trop importante sur la dimension top down Définir ce processus de façon complète et dynamique nécessite d'élaborer des hypothèses générales concernant les interactions entre les acteurs nous intéressant. Pour cela, nous reviendrons brièvement sur les limites de la définition de référence du concept d'européanisation élaborée par Claudio Radaelli pour ensuite mettre en place une définition plus appropriée dans le cadre de notre objet d'étude. [...]
[...] Le fait que la Commission européenne évoque les dysfonctionnements de la gouvernance dans un document officiel est pour le G14, comme pour les autres partenaires sociaux, une véritable avancée. Même si le Livre Blanc n'est pas juridiquement contraignant, il est possible de noter qu'à côté de l'usage stratégique du G14, pour reprendre la typologie de Sophie Jacquot et Cornelia Woll (2003), vient s'ajouter un usage moins courant de l'Union européenne, ce que les deux auteurs appellent dans leur article le legitimising usage Si le G14 a perçu dans l'Union européenne un moyen efficace d'arriver à ses fins, notamment par le biais de mécanismes contraignants comme le droit européen, l'arène communautaire, et plus particulièrement la Commission européenne, sont des entités légitimant l'action du G14. [...]
[...] Comme nous l'avons mentionné plus haut, l'UEFA depuis sa création, dirigé le niveau européen du football sans véritablement faire participer les acteurs de terrain ou familles du football aux processus décisionnels. L'évolution institutionnelle de l'UEFA que nous décrirons dans cette troisième partie constitue un véritable événement dans le monde du football, une première étape indispensable en direction du concept de bonne gouvernance mis en avant par la Commission dans son Livre blanc. Il faudra analyser le déroulement des évènements ayant conduit à cette transformation et ses effets sur les acteurs du monde du football. Enfin, nous devrons identifier les scénarii selon lesquels ces évolutions se sont réalisées. [...]
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