LGBT+, minorités sexuelles, identité de genre, orientation sexuelle, mouvements sociaux, identité, héténormativité, revendication politique, homophobie
L'orientation sexuelle et l'identité de genre sont le plus souvent conçues comme des problématiques personnelles relevant de la sphère privée, et, selon que l'on se place dans une perspective constructiviste ou naturaliste, sont habituellement regardées comme un « choix » ou une « caractéristique » individuelle, quelque chose qui ne « regarde que soi ».
La structuration de mouvements LGBT à partir des années 1970 opère un changement radical de paradigme : l'orientation sexuelle et l'identité de genre ne s'arrêtent pas aux frontières de l'individu mais s'inscrivent dans des dynamiques de pouvoir qu'il est nécessaire de mettre au jour pour comprendre les expériences de vie et les conditions matérielles d'existence des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. L'existence même de l'acronyme « LGBT » témoigne de cette révolution heuristique, réunissant deux réalités a priori décorrélées (l'orientation sexuelle et l'identité de genre) sous une même bannière, à partir du constat que chacune à sa manière rompt avec une normativité hégémonique : l'hétérosexualité pour l'orientation sexuelle, et la cis-normativité pour l'identité de genre. En politisant ce qui était jusqu'alors largement relégué à la sphère privée, les mouvements LGBT sont donc caractéristiques des « nouveaux mouvements sociaux », prenant pour objet des dimensions et logiques identitaires en-dehors de la classe sociale.
[...] Les mobilisations anti-LGBT se construisent donc autour d'un même projet (l'hétéronormativité) et d'une même idéologie (la défense de la moralité contre la « perversion » et la « décadence » sexuelles), dans des contextes locaux caractérisés par la cristallisation des tensions politiques et la visibilisation croissante des identités et expériences non-conformes aux normes hétérosexuelles et cissexuelles. Mais pour se structurer en véritables mouvements, il leur faut encore développer des ressources et des relais institutionnels, construire un répertoire d'action et de nouvelles formes d'organisation. [...]
[...] Les droits des personnes LGBT et la question de leur autonomie doit davantage être conçue comme un espace de luttes symboliques et politiques. Et, sur ce terrain, ce sont parfois les mobilisations anti-LGBT qui sont à l'initiative. Le vocable « anti-LGBT » (ou « anti-genre) n'est ainsi peut-être pas le plus approprié, puisqu'il suppose de facto l'opposition comme donnée fondamentale de la mobilisation. Or, pour un nombre croissant d'entre elles, on pourrait aujourd'hui parler de « mobilisations hétéronormatives », dans le sens où c'est la promotion d'une hétérosexualité stricte qui en constitue le c?ur - même si, bien évidemment, les conséquences sur les conditions de vie des minorités sexuelles et de genre en sont tout autant dramatiquement affectées. [...]
[...] Développé par Jasbir Puar, ce concept désigne l'instrumentalisation étatique des revendications LGBT au profit de la construction d'un « nationalisme sexuel » spécifique aux pays du Nord, qui seraient davantage « développés » sur la question de la reconnaissance des droits et de l'autonomie des minorités sexuelles et de genre26. Comme l'écrit Gianfranco Rebucini, à partir du cas des États-Unis : « La citoyenneté nationale américaine se veut donc exceptionnelle parce que, à la différence des autres citoyennetés, elle serait conçue sur la base de l'inclusion des subjectivités LGBTQI normalisées »27. [...]
[...] - D'un point de vue politique, force est de constater que les grandes organisations internationales, au premier rang desquels l'ONU et l'Union européenne, ne sont a minima pas des alliés de la cause anti-LGBT et anti-genre. - D'un point de vue économique, si l'on peut en effet mettre au jour l'existence d'un marché dérivé des mobilisations anti-LGBT et anti-genre (livres, films documentaires, cagnottes de soutien, cachets) et d'une influence de ces mobilisations sur certains marchés (appels au boycott, comme avec le récent cas Bud Light aux États-Unis et au Canada), force est de constater que ceux-ci sont encore de faible envergure et peu structurés. [...]
[...] En d'autres termes, les mobilisations hétéronormatives seraient par essence réactionnaires et conservatrices, souhaitant restaurer un ancien équilibre social où la norme hétérosexuelle n'était pas exposée ni remise en cause, où la présomption générale d'hétérosexualité ne souffrait d'aucune contestation individuelle ou collective. C'est l'idée que défendent Catherine Nash et Kath Brown dans leur étude comparée des campagnes d'opposition à l'égalité sexuelle et de genre en Grande-Bretagne et au Canada. Pour les deux chercheuses, en effet, les mobilisations anti-LGBT et anti-féministes fonctionnent comme une « réitération de l'idéologie de la nature et de l'hétéronormativité au service d'une régénération de la société »5. [...]
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