Entretien exclusif avec Élisabeth Badinter pour la sortie de « Fausse route » - L'évolution des identités féminines et masculines

Thèmes abordés

Fausse route, Élisabeth Badinter, identité féminine, identité masculine, évolution de l'identité, concept d'identité, Erikson, domination masculine, société patriarcale, soumission des femmes, affirmation de soi, Bonny, Jacques Beauchemin

Résumé du document

L'ouvrage intitulé « Fausse route » a été publié par Élisabeth Badinter en 2003, et semblait déjà criant d'actualité. Près de vingt ans plus tard, ses remarques et son analyse semblent toujours être intéressantes, dans un contexte économique et social en perpétuelle mutation.
Les identités masculine et féminine ont subi des transformations importantes depuis plusieurs années. Avant de parler des évolutions récentes des identités de genre, il nous semble important de commencer par définir précisément le concept d'identité.

Extraits

[...] Le point de vue d'autres auteurs De nombreux autres auteurs ont rédigé des articles ou des ouvrages relatifs à l'évolution de l'identité, qu'elle soit féminine ou masculine. Bonny, par exemple, au début des années 2000, oppose clairement l'identité traditionnelle et l'identité moderne. D'après lui, l'identité moderne est marquée par davantage d'individualisme, notamment, mais aussi par l'émergence d'identités multiples, et par l'émergence de mouvements identitaires renforcés, et tous ces processus s'appliquent aussi bien aux identités féminines que masculines, puisqu'elles concernent l'ensemble des individus membres de ces sociétés marquées par le passage à la modernité. [...]

[...] Cela rejoint également l'analyse de plusieurs auteurs selon lesquels, par exemple, l'identité d'un individu évolue de façon ininterrompue, avec des phases d'évolution intense comme durant l'adolescence notamment, et des phases où l'évolution est moins rapide et moins poussée. Pour conclure, nous pouvons estimer que les sociologues sont nombreux à s'accorder sur le fait que les évolutions des identités féminine et masculine sont nombreuses, et sont de plusieurs ordres. Évolutions globales et évolutions spécifiques se mêlent sans cesse et confirment ainsi le concept même d'évolution perpétuelle. [...]

[...] Pour Beauchemin, donc, comme pour Élisabeth Badinter l'année précédente, on assiste à plusieurs mouvements concomitants d'évolutions des identités féminine et masculine. Un mouvement global qui s'applique à elles deux, et un mouvement spécifique, particulier, qui est propre à chacune. D'après ces auteurs, contemporains d'Élisabeth Badinter, on assiste depuis plusieurs décennies à des évolutions identitaires majeures, tant pour l'identité masculine que pour l'identité féminine. Elles sont soumises à des évolutions conjointes, les faisant tendres progressivement vers plus l'individualisme par exemple, ainsi qu'à des évolutions distinctes, poussant ainsi notamment l'identité féminine vers moins de soumission et l'identité masculine vers moins de domination. [...]

[...] L'identité féminine L'identité féminine, quant à elle, évolue vers une affirmation du refus, du non, et vers un refus plus fréquent et plus affirmé d'accepter les situations qui ne conviennent pas aux filles ou aux femmes. D'après elle, le trait identitaire de soumission, qui était très souvent retrouvé chez les femmes il y a cinquante ans, est moins souvent partagé désormais. En quelques décennies, l'identité féminine s'est considérablement transformée. Désormais, les filles et les femmes osent davantage affirmer leurs désirs, s'opposer, accepter le conflit. Elles se sentent plus légitimes de « tenir tête » aux hommes, de valoriser leur avis autant que ceux des hommes, de ne pas être soumises. [...]

[...] En matière de travail, de taches ménagères, de loisirs, de vie de famille, l'identité féminine était clairement beaucoup plus discrète, beaucoup plus effacée que l'identité masculine. Élisabeth Badinter insiste néanmoins à plusieurs reprises sur la nécessité de considérer les identités générales avec beaucoup de précautions. En effet, selon elle, il est très important de ne pas considérer que tous les hommes sont des dominateurs et que toutes les femmes sont des dominées, même dans les sociétés d'il y a quelques décennies. [...]