La question des quartiers dits « sensibles » s'est imposée au cours des dernières décennies comme un enjeu politique majeur, les « émeutes » de novembre 2005 ont effectivement renforcé l'idée du caractère « explosif » de la situation. Notamment celle des jeunes, ceux-ci s'imposant à la fois comme principales victimes des banlieues, entraînés dans la spirale de l'échec scolaire et du chômage, mais aussi comme la partie la plus stigmatisée à travers les actes de délinquance auxquels on fait actuellement une large place dans le paysage politique et médiatique.
Pour répondre à cette situation, l'Etat a déployé, notamment à travers les politiques de la ville, des moyens importants pour « réhabiliter » à la fois les logements et d'une manière plus générale les quartiers. Pour autant, force est de constater que l'insatisfaction règne, elle est symbolisée aujourd'hui par la demande d'un « plan Marshall des banlieues » formulée entre autres par le collectif « AC le feu ». Nous avons donc affaire à une situation complexe, précédée d'une longue histoire d'une part dans sa genèse en tant que « problème », et d'autre part dans l'ensemble des moyens qui ont été mis en œuvre afin d'y remédier.
A travers la série d'entretiens que nous avons entrepris dans le quartier de l'Ariane, Pasteur, Bon voyage, nous ne pouvions prétendre à juger ni de cette genèse, ni des différentes politiques entamées au cours des vingt dernières années. C'est bien plutôt le discours même et une certaine représentation collective de ces jeunes qui nous ont intéressés au premier plan. La diversité des individus interrogés, d'un commerçant du quartier jusqu'à un élu, en passant par des acteurs associatifs et un officier de police, nous a justement permis de constater ce qui émergeait de commun dans les manières de voir ces jeunes. Et effectivement, une fois les mots « jeunes des quartiers » prononcés, nous nous sommes retrouvés sur un terrain symboliquement délimité bien au-delà de la signification originelle des mots.
[...] La naissance des banlieues est contemporaine de l'explosion urbaine de la seconde moitié du 19e siècle dont la cause principale est l'industrialisation. Les lotissements pavillonnaires : dans l'entre-deux-guerres, l'extension des banlieues résulte surtout du développement de l'accession à la propriété dans de médiocres lotissements pavillonnaires éloignés de l'emploi et des équipements ; La densification des banlieues après la Seconde Guerre Mondiale : l'habitat social collectif triomphe. Les grands ensembles occupent les vides de la banlieue où s'agrègent de petites agglomérations existantes. [...]
[...] La politique de la ville a contribué à transformer le paysage associatif. Beaucoup d'associations nées spontanément dans les quartiers avaient pour objet la solidarité et l'entraide. Mais la Politique de la Ville a eu besoin de la vie associative pour introduire une dimension humaine et une participation des habitants dans des procédures marquées du sceau de l'étatisme. D'où un glissement vers l'« association médiatrice reconnue, professionnalisée, prestataire de services, exécutant des politiques publiques, parfois à mi-chemin entre l'association et l'entreprise Les émeutes urbaines Jusqu'en 1981, la France n'avait pas connu de révoltes comparables à celles des villes américaines ou britanniques. [...]
[...] Sociologie critique de la politique de la ville, Editions Publibook DAMON Julien, Quartiers sensibles et cohésion sociale, Problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, novembre 2004. DONZELOT Jacques, Faire société, la politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Seuil DONZELOT Jacques, ESTEBE Philippe, L'Etat animateur, essai sur la politique de la ville, Esprit, avril 1994. DUBET François, LAPEYRONNIE Didier, Les quartiers d'exil, Paris, Seuil ESTEBE P., L'usage des quartiers, Action publique et géographie dans la politique de la ville (1982-1999), L'Harmattan GAUDIN Jean-Pierre, Les nouvelles politiques urbaines, PUF, Que sais-je HATZFELD Marc, Petit traité de la banlieue, Dunod JASOULI Adil, Une saison en banlieue : courants et perspectives dans les quartiers populaires, Paris, Plon KOKOREFF M., La force des quartiers, de la délinquance à l'engagement politique, Payot 2003. [...]
[...] Selon un officier de police : je n'interviens que sur le mauvais, a priori le bon je l'ignore, encore que je suis tellement intégré dans le quartier que forcément je connais les bons [ des jeunes bien j'en connais plein, la plupart des gens sont bien d'ailleurs ici Même les communautés entre elles n'échappent pas à la distinction : je ne connais pas d'enfants de 16 ans tchétchènes, ça veut dire qu'ils ne traînent pas dans les rues [ c'est une communauté qui veut réussir [ ] qui s'intègre très vite toujours selon la même personne. [...]
[...] 1.1 Saisir les jeunes des quartiers à travers des thèmes incontournables. C'est l'évocation systématique de certains thèmes qui nous a le plus interpellés au premier abord. Peu importe effectivement la position dans le champ social ou l'intérêt a priori pour les jeunes des quartiers aucune des personnes interrogées n'a omis de parler du logement de l'« éducation de l'« emploi ou de l'« intégration Chacun de ces thèmes pouvant d'ailleurs renvoyer à d'autres notions concomitantes et qui s'imposent tout aussi naturellement. [...]
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