« Voter est un droit, c'est aussi un devoir civique »
Cette phrase apparemment anodine mais pourtant inscrite sur les toutes les cartes électorales des citoyens français, a souvent tendance à être négligée, comme en témoignent les taux d'abstention records aux dernières élections, notamment chez les 18/25 ans, phénomène particulièrement visible en 2002 avec 32% d'abstention aux élections présidentielles et 58% aux élections législatives (étude IPSOS). L'étude de ce phénomène, symptomatique d'un dysfonctionnement aussi bien sur le plan social que sur le plan individuel, apparaît alors pertinente pour le psychologue social. En effet, le but premier de la Psychologie Sociale est d'aborder des problèmes concrets dont la compréhension et la possible résolution présentent une utilité réelle pour la société dans laquelle elle prend place. Ainsi, les liens entre Psychologie Sociale et politique se révèlent particulièrement étroits, ce qui pousse Matalon à postuler que la Psychologie Sociale a la capacité d'expliquer « des phénomènes, comportements, attitudes et évolutions politiques ».
Aussi avons-nous décidé de nous pencher sur ce sujet sous l'angle d'une théorie qui nous a semblé appropriée à cette étude : celle des représentations sociales. En effet, il semblerait que le vote et son pendant, l'abstention, puissent être considérés comme des pratiques sociales appartenant au champ politique, pratiques que nous pouvons relier au concept de représentation sociale, et plus précisément à celui de la représentation sociale de la politique. Nous nous trouvons donc, pour notre recherche, dans un champ théorique qui permet non seulement d'analyser une représentation mais aussi de juger des liens qu'elle entretient avec une pratique problématique.
Un problème inhérent à l'objet même de notre étude nous est de fait apparu, car si la politique se présente comme un objet soumis aux processus représentationnels, elle n'en reste pas moins un objet extrêmement vaste et diffus. Remercions alors Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé qui, lors d'une participation à un débat télévisé, nous a mis sur une piste en déclarant : « Comment se fait-il que la politique intéresse sur le plan local et qu'elle ne suscite pas le même intérêt sur le plan national ? Comment on doit faire, nous, les uns et les autres, pour justement avoir à la fois cette efficacité et cette lisibilité sur le plan national ; ce que l'on sait faire, encore une fois, pour un conseiller général ou pour un maire ? » (Xavier Bertrand, dans Mots croisés du 22 mai 2006 « Politique : la démocratie sans le peuple »)
Cette observation « naïve » montre comment les hommes politiques pressentent eux-mêmes un certain décalage entre différents niveaux d'élection (local, national et donc par extension aussi européen). Cette distinction de la politique en différentes catégories « naturelles » nous a amenés à envisager la possibilité d'appréhender la représentation sociale de la politique comme un ensemble hiérarchisé de sous-catégories de représentations.
Mais ces sous-ensembles sont-ils effectifs ? S'ils le sont, comment les caractériser ? Dépendent-ils de l'orientation politique du groupe social à l'origine de cette représentation ? Et pouvons-nous les mettre en lien avec l'abstentionnisme ?
[...] Abric (1994), tenant de la seconde approche selon laquelle ce sont les représentations qui déterminent les pratiques, critique Beauvois et Joule en montrant qu'il est difficile de comprendre comment un comportement extorqué peut remettre en cause des fondements originels de la représentation, relevant de trois facteurs : les facteurs culturels qui marquent fortement les représentations sociales en les inscrivant dans un processus culturel et historique . Les facteurs liés au système de normes et de valeurs car pour qu'un sujet s'approprie une pratique il faut qu'elle lui apparaisse acceptable par rapport à son système de valeurs. [...]
[...] Ainsi, nous pouvons observer que la démocratie principalement exercée en France relève de la démocratie représentative, où les citoyens élisent des représentants qu'ils chargent d'établir les lois. Cependant, dans certaines villes de quelques départements, la démocratie participative est mise à l'essai sur des sujets particuliers (tels que le fonctionnement des structures éducatives en Poitou-Charentes grâce au Budget participatif des Lycéens c'est-à- dire que les citoyens élisent des représentants qu'ils chargent d'établir les lois, lesquels demandent ensuite aux citoyens de valider ou d'invalider, par référendum, les lois proposées (ce qui n'est pas le cas dans le département en Haute-Garonne). [...]
[...] C'est là le lien entre représentation et comportement qui est souligné, ce qui nous amène à entrevoir un lien entre la représentation sociale de la politique et la conduite abstentionniste. De ces caractéristiques découlent des fonctions qui ont été définies par Abric en 1994. Nous ne nous attarderons pas sur la fonction de savoir, aidant à la connaissance de l'environnement social mais nous développerons les fonctions identitaires, d'orientation des comportements et de justification de ces derniers, fonctions qui entrent spécifiquement en jeu dans notre étude. [...]
[...] Enfin, quatre items sont ressortis comme périphériques et éloignés du noyau central pour les cinq représentations en jeu : l'item 13, Bon fonctionnement des institutions l'item 18, Les actions menées sont concrètes l'item La politique sert l'intérêt général et l'item Regroupement des hommes politiques selon leurs idées et intérêts pour être efficaces Ce sont donc les items à valence positive qui se retrouvent en périphérie dans notre étude - Analyse des résultats A la vu de la description structurale que nous venons d'établir, nous pouvons dire que conformément à nos attentes, la représentation sociale de la politique s'organise en un système de catégories partageant un élément central principal, commun à toutes ces catégories, l'item19, et se caractérisant par des éléments centraux adjoints, centraux pour certaines catégories et périphériques, proche ou éloigné du noyau central, pour d'autres. Il faut tout de même noter ici que l'importance du vote comme item central commun de la représentation tend à aller à l'encontre de la conception de Rosanvallon selon laquelle le désenchantement politique décrédibiliserait ce mode de participation à la vie politique. Aussi, nous retrouvons bien la vision de Subileau et Toinet à ce sujet pour qui l'expression électorale, quelles que soient ses formes, reste une priorité pour le citoyen. [...]
[...] Ainsi, les représentations deviennent des grilles de lecture de la réalité sociale contribuant au développement des valeurs existantes. Cette fonction interprétative permet aux personnes d'un même groupe de communiquer en mettant à leur disposition un langage commun pour comprendre les événements. Ces processus d'objectivation et d'ancrage sont actualisés lors d'une confrontation avec l'inattendu ou l'inexplicable. Ainsi, dans chaque situation où l'individu se trouve face à un objet nouveau qu'il ne peut pas assimiler, ces processus vont entrer en action pour créer une représentation dont la nature va permettre de faire face à l'inconnu. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture