Aujourd'hui je vais traiter d'un auteur qui poursuit à sa manière la tradition critique de Karl Marx, mais qui a développé une théorie tout à fait différente sous beaucoup d'aspects. Je veux parler du philosophe, anthropologue et sociologue Pierre Bourdieu.
On a déjà dit que l'approche critique est proche de l'approche réaliste dans la mesure où elle développe également une conception conflictuelle de la politique. On a commencé avec Machiavel pour qui le pouvoir politique conféré au prince était la garantie de l'ordre et de la stabilité. Pour Max Weber, on l'a vu, la politique n'est que la lutte pour le pouvoir à travers les partis politiques et les politiciens. Karl Marx prétend que toute la société est impliquée dans une lutte de classes et que la politique n'est qu'une expression de cette lutte de classe. En effet, l'Etat, dit Marx, appartient à la superstructure qui repose sur l'infrastructure que représentent les rapports de production. De plus, Marx pense que l'Etat prend position dans la lutte des classes, c'est-à-dire qu'il n'est pas un arbitre neutre au sein de cette lutte. Il favorise la classe dominante en garantissant les structures et l'organisation du mode de production capitaliste. Ainsi, s'il existe sans doute une certaine autonomie relative de l'Etat, parce que Marx voit également que l'Etat a adopté des lois en faveur de la protection du prolétariat et, par conséquent, contre les intérêts à court terme des entreprises, il était néanmoins convaincu que, à long terme, les structures du capitalisme ne permettraient pas le développement d'un Etat opposé aux intérêts de la bourgeoisie. C'est pourquoi dans une société sans classe — comme il a prophétisé la société communiste — l'Etat devient superflu et périt.
Bourdieu intègre des éléments aussi bien de Marx que de Weber (et des auteurs provenant de l'anthropologie comme Lévi-Strauss etc.). Cela indique déjà que, lui aussi, est de l'avis que la politique et l'Etat sont caractérisés avant tout par les phénomènes de pouvoir. Effectivement, il semble, si l'on jette un coup d'œil superficiel sur ses travaux, que Bourdieu ne dévie pas trop de la conception marxiste. Il utilise par exemple beaucoup la notion de " capital " et de classes comme Marx et il est clair qu'il est de l'avis que toute la société, y compris la politique, est traversée par la lutte entre "dominants et dominés". Il s'agit cependant de s'intéresser plus particulièrement aux différences par rapport à la conception de Marx.
Je vais procéder comme suit :
Au début j'aimerais opposer à la notion de classe chez Marx, et le concept d'espace social tel qu'il est développé chez Bourdieu
Cela nous amène à la discussion du " champ " et du " capital " comme notions centrales de la théorie de Bourdieu. Et l'on verra que, contrairement à Marx, le capital de Bourdieu peut prendre plusieurs formes. En discutant ces expressions on développera la compréhension de la conception bourdieusienne de la domination.
Enfin, on discutera du pouvoir symbolique et de l'habitus, un aspect de la domination, particulièrement important.
A partir de là l'on devrait avoir les éléments de base de la compréhension de la théorie complexe de Bourdieu. Après cela, l'on se concentrera sur l'analyse développée par Bourdieu du " champ politique " ainsi que, en particulier, sur la relation entre " mandants " et " mandataires ".
[...] On choisit donc ses représentants selon des critères qui promettent une bonne représentation de ses propres intérêts. Une certaine inégalité lors de ce choix me semble indispensable. D'ailleurs: derrière cette revendication d'une égalité d'accès on trouve un modèle de la démocratie assez idéaliste et contestable: à savoir que le parlement devrait être un reflet de la structure de la population. On peut discuter de savoir si c'est souhaitable ou réalisable. Il existe donc de la domination dans le sens où certains groupes sont favorisés ou bien dotés de facultés et d'un capital acquis et ont ainsi plus de chance de participer à la politique que d'autre: cela est vrai. [...]
[...] Comme chez Marx, donc, la lutte pour des positions privilégiées pénètre toute la société. La différence entre les deux est que Marx part de l'image de deux classes qui s'opposent dont la lutte traverse toute la société. En plus il suppose que la classe dominante est capable de dominer également la superstructure de la société. Bourdieu voit une société différenciée où on ne trouve pas partout des classes réalisées. S'il est vrai que la proximité des positions au sein de l'espace social incitent les agents à agir ensemble, cette proximité de position ne signifie pas encore qu'il y a passage à l'action, cette mobilisation collective manquant souvent de fait. [...]
[...] Il faut distinguer le champ politique et l'Etat. Le champ politique est l'arène de confrontation des élites politiques. L'Etat est la forme, l'institution centralisant les moyens, le monopole de l'usage légitime de la violence physique et symbolique. On peut voir que la conception de Bourdieu repose ici sur celle de Weber: Weber définit l'Etat par les moyens dont il dispose (monopole de l'usage de la violence physique légitime), moyens qui le distinguent de toutes les autres associations ou organisations au sein de la société. [...]
[...] Le mécanisme est plus subtil La vertu est-elle possible ? J'aimerais terminer mon cours sur les notions de base chez Bourdieu on reprenant une question qui a toujours joué un rôle important chez les autres auteurs : est-ce que la vertu joue un rôle chez Bourdieu ? Il donne une réponse dans le même texte que j'ai analysé jusqu'ici (164). Selon Bourdieu la réponse est facile : il est possible d'arriver à la vertu si l'on crée des conditions sociales permettant l'émergence de dispositions " au désintéressement Ici le structuralisme de Bourdieu se révèle. [...]
[...] C'est cela l'homologie. Je vous mets en garde contre l'erreur qui consisterait à considérer cette théorie de l'homologie comme similaire à une théorie de la conspiration ou à une théorie de classe. L'homologie est fondée sur la structure et c'est la structure qui pousse les gens à agir comme ils le font. Il ne s'agit pas d'une action volontaire et consciente allant dans un sens ou dans un autre. Les agents sociaux se concentrent sur " leurs activités " déterminées par la logique de " leur " champ, c'est tout. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture