L'ouvrage de Stéphane Beaud et Michel Pialoux est une véritable enquête sociale. Stéphane Beaud, maître de conférences en sociologie, chercheur au CNRS et à Ulm, tout comme Michel Pialoux, également chercheur au centre de sociologie européenne, se sont ici penchés sur le thème de la violence sociale. Mais, loin de s'en tenir à des procédés d'explication tels que l'on peut les retrouver dans la presse, leur étude se veut profonde, sans complaisance pour les acteurs de ces violences. Au final, l'ouvrage ne saurait être comparé à une simple vulgarisation de points de vue et d'« images d'Epinal » ; il est au contraire l'aboutissement d'un exercice s'étalant sur plusieurs années, la synthèse de toute une collection d'enquêtes locales, d'entretiens, d'observations des comportements quotidiens des habitants des quartiers défavorisés...
[...] I Analyse de l'ouvrage L'étude de Stéphane Beaud et Michel Pialoux repose sur une idée maîtresse : les violences urbaines ont leur origine dans la violence qu'inflige de manière volontaire ou non la société à une partie de ses membres (la frange des pauvres, des peu qualifiés, des individus soumis à une précarité structurelle, au chômage de masse[3]). Cette idée maîtresse ne peut s'expliquer par elle-même. Les deux auteurs ont alors voulu la soumettre à de nombreuses questions pour que le lien entre les violences urbaines et la violence sociale soient fermement établi. [...]
[...] Finalement, la police n'est présente dans cet ouvrage que pour réprimer l'émeute (ce qui en soit n'est pas contestable) et pour empêcher un jeune de se rendre au travail en prolongeant sa garde à vue. Tout est donc fait pour remettre les choses à leur place ; pour la sociologie, la politique sécuritaire (et la politique tout court) n'est que la traduction d'un choix, celui de s'attaquer à la partie visible des violences urbaines, sans toucher un seul instant aux racines sociales du mal. Pourtant, les deux sont liés. L'ouvrage permet finalement de mettre la société française au cœur de ses contradictions. [...]
[...] Ils regardent de loin, et presque avec condescendance, les outils de résistance syndicale et politique, plus ou moins résignés au silence Voir notamment p : La Mission locale pour l'emploi, ouverte en 1982, a pour vocation d'accueillir un public de jeunes non ou peu diplômés, sortis du système scolaire et en quête d'emploi Voir, sur cet aspect, p 1 et 2. Phénomène qui vient de se concrétiser avec les élections de 2001, qui ont vu le Front National atteindre parfois 30% des suffrages dans les quartiers populaires. P Lire à ce sujet les études de Gérard Noiriel. [...]
[...] Le cadre de cette étude est une émeute survenue en juillet 2000. Trois cents jeunes d'un quartier de Montbéliard (la ZUP de la Petite-Hollande) s'opposent aux CRS et à la police qui cherchent à arrêter un braqueur. Cadre seulement, car l'ouvrage va se révéler être bien plus que la description de cet événement. L'émeute doit être comprise comme un prétexte à l'étude tant des rapports sociaux au sein d'un quartier qu'à celle des défavorisés face au travail. D'ailleurs, les auteurs l'affirment dès l'introduction en avouant qu'il s'agit, au fond [à travers le cas de la Petite-Hollande] de réfléchir à la façon dont se sont recomposés les rapports de classe au cours de ces quinze dernières années (au niveau local comme au niveau national) et la manière dont ces rapports se sont inscrits spatialement[1] Ainsi, leur travail s'étale dans le temps, sur une quinzaine d'années, ce qui donne une profondeur nécessaire à ce type d'enquête. [...]
[...] Le problème de la transmission de la culture ouvrière des parents aux enfants semble donc essentiel pour comprendre les mécanismes de fabrication des violences urbaines, traduction directe de la violence sociale. Cette culture ouvrière désormais quasi absente des milieux concernés fait en outre partie d'un ensemble plus large d'éléments agissant sur les possibilités professionnelles et donc d'intégration sociale des jeunes des cités Voici quelques uns de ces éléments. L'échec scolaire entre pleinement dans cette catégorie. Selon les auteurs, la totalité des individus se présentant à la Mission locale pour l'emploi[5] située dans le quartier de la Petite-Hollande sont en situation d'échec scolaire précoce (arrêt de la scolarité au collège, avant le brevet, au milieu d'un CAP). [...]
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