Notre pays nourrit une conception de la culture dans laquelle l'intervention de l'Etat est vue comme nécessaire. Cette évidence pose un voile trompeur sur l'histoire et l'état des politiques publiques de la culture, en empêchant tout débat sur le ‘pourquoi' (et ‘pour quoi') de leur existence. La sociologie permet d'apporter des éléments de réponse à cette problématique : quelles causes ont guidé la volonté d'élaboration d'une telle politique, et quels en sont les buts ?
Nous verrons ainsi en quoi la culture est vue depuis 1959 comme nécessitant une intervention publique. Puis les buts de cette intervention seront analysés, à l'aune des renseignements qu'apporte la sociologie de la culture sur les attentes des publics et sur les effets mêmes de ces politiques.
[...] La sociologie peut ici être éclairante pour le politique. L'analyse centrale doit de plus reposer sur le caractère pluriforme des messages culturels : il n'y a pas de message unique, ni de manière unique de le recevoir, du fait de la pluralité des dispositions, des contextes et des modes d'appropriation des œuvres. Enfin l'analyse sera plus efficace si elle se base sur les individus et non les groupes sociaux. Sur ces fondements, une politique culturelle publique réformée pourra agir dans le respect des causes qui ont poussé à sa création, et des buts qu'elle s'est assigné, au service d'une culture dont la place et le rôle dans la société seront clairement définis. [...]
[...] Cette organisation, notons-le, ne facilite pas l'analyse par la sociologie, car tous les départements sont imbriqués, dépendent d'autres et de plus, le temps de la politique n'est pas celui de l'administration. Ce rapide survol de la structure de la politique culturelle laisse entendre que la culture est un domaine nécessitant l'intervention de l'Etat : c'est en effet un problème politique, et la nature des politiques publiques renforce cette caractéristique. Ainsi, la culture est tout d'abord vue comme un élément de l'identité du pays. [...]
[...] L'école joue ici un rôle très important, et il s'agit encore d'une intervention menée par l'Etat. De plus, l'importance de la culture fait qu'il est nécessaire qu'elle existe, quels que soient sa réussite ou son échec ; certains domaines n'étant pas rentables, l'Etat se doit alors d'intervenir, afin d'aider à la création et à la diffusion des œuvres non rentables. Notons ici que cette conception ne s'oppose pas à une situation historique où la liberté de l'artiste-génie lui permettait de créer une culture de haut niveau : en effet, cet état rêvé est une absurdité sociologique, les artistes ayant toujours eu des marges de manœuvres plus ou moins larges –certaines époques prolifiques en chefs- d'œuvre étaient marquées par un encadrement très strict des artistes, tel le Quattrocento (Baxandall). [...]
[...] Et sous Lang en effet, on a assisté à une sorte de relativisme culturel : c'était l'époque du ‘tout culturel'. Cependant, l'attitude publique face à la culture de masse a varié au cours des décennies. Dès le départ, les politiques publiques l'ont tenue à l'écart, ses produits étant considérés par l'école de Francfort ou Hannah Arendt comme des loisirs et non de la culture. Mais cette attitude s'oppose à la conception de la légitimité culturelle comme attribuée à la fois par les publics et les intermédiaires de la culture (donc par les industries culturelles), qui l'apprécient et sont les tenants ultimes de son succès, et par l'Etat qui la protège et la diffuse. [...]
[...] Fumaroli présente ainsi l'intervention dans les affaires culturelles comme une tradition royale, qu'aurait simplement perpétuée la République. Mais si la Cour et les monarques français ont en effet été commanditaires d'œuvres littéraires, théâtrales, architecturales , cela ne les distingue en rien des pays voisins. De plus, l'intervention dans le domaine des arts n'était dirigée par aucune administration, sans aucun principe directeur. Enfin ces actions ne peuvent être identifiées à une politique publique, l'argent utilisé par les rois étant considéré comme privé ; il s'agissait donc plutôt de mécénat de la part des monarques évergètes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture