Depuis la fin des années 70 jusqu'à aujourd'hui les travaux de Raymond Boudon tournent autour de deux axes majeurs : le premier est celui de l'élaboration du paradigme de l'individualisme méthodologique, le second consiste à démontrer l'efficacité de ce paradigme appliqué à d'autres objets (notamment l'idéologie)...
[...] Le sociologue a ainsi tout intérêt à considérer l'acteur social comme rationnel, mais il doit tenir compte du fait qu'il est situé, en fonction de certains milieux ou rôles sociaux, de certaines ressources (notamment cognitives), et qu'il a intériorisé un certain nombre de savoirs et de représentations. Ces effets de situation sont par exemple des effets de perspective, d'éloignement, de dispositions. Un bon exemple d'effet de perspective est celui du mouvement luddite en Angleterre. Lorsque les ouvriers brisent les machines nouvellement introduites c'est que de leur point de vue il y a réellement une relation de causalité entre machinisme et chômage, même si cette relation n'a une validité qu'exclusivement locale (puisque qu'au niveau macro, le machinisme a un effet positif sur l'emploi). [...]
[...] En effet, toute démarche mentale utilise des a priori (cadres de la pensée implicites) qui ne sont pas consciemment perçus par le sujet et qui parasitent son argumentation, et les conséquences qu'il en tire. C'est pourquoi le fait présenté comme paradoxal que les idéologies proviennent le plus souvent de théories hautement scientifiques n'est guère surprenant pour Boudon. Son modèle permet ainsi d'expliquer pourquoi des théories irréprochables engendrent des idées douteuses ou fausses tout en respectant le postulat de la compréhension : ces croyances non fondées sont acceptées par le sujet social parce qu'il a de bonnes raisons d'y croire, et non pas parce qu'il est crédule. [...]
[...] Dans le cas d'une science de la nature le processus de diffusion normal va être le suivant : 1. le producteur soumet sa théorie à la communauté scientifique 2. Si celle ci émet un avis favorable elle va être soumise à l'avis des médiateurs 3. Ceux ci vont la proposer à l'attention de différents groupes spécifiques Le problème est qu'il peut arriver, notamment dans le cadre des sciences sociales que la communauté scientifique soit court-circuitée : une théorie fausse et douteuse peut alors avoir l'air d'être investie de l'autorité de la science et considérée comme valide avant même d'être évaluée par ceux qui sont le mieux à même de la traiter comme une boîte blanche Idéologie et science : les effets épistémologiques ou effets E L'idéologie se développe au cœur même de la science. [...]
[...] Mais Marx tombe ici dans l'écueil que représente l'attitude qui considère que l'idéologie c'est en fait les théories de l'adversaire. La tradition marxiste n'étant par ailleurs pas unifiée, on comprend pourquoi l'idéologie au sens de Lénine n'est pas définie par rapport au critère du vrai et du faux. Pour Lénine, les idéologies sont des systèmes d'idées que les protagonistes de la lutte des classes utilisent dans leur combat. Qu'elles soient vraies ou fausses n'est pas important, il faut qu'elles soient utiles. Dans une tradition moderne non marxiste, quelques sociologues ont aussi tenté de définir l'idéologie. [...]
[...] Son erreur est sans doute de considérer par ailleurs que seul le marxisme est une idéologie à fort caractère scientifique, contrairement à ce que Boudon s'efforce de démontrer (toutes les idéologies reposent plus ou moins sur des théories scientifiques). Ainsi, pour Shils l'idéologue fait figure de prophète alors que pour Marx il fait figure de savant. Pour Geertz enfin, l'idéologie, loin d'être une perception déformée de la réalité, est une action symbolique. La question est donc de savoir si l'on doit définir l'idéologie par rapport au critère du vrai et du faux. [...]
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