« En quoi et pourquoi la pratique photographique est-elle prédisposée à recevoir une diffusion si large qu'il est peu de foyers, au moins dans les villes, qui ne possèdent un appareil ? »1. Telle est la première question qui surgit lorsque l'on porte, comme Bourdieu, un regard sociologique sur la photographie. En effet, comment expliquer une telle diffusion alors que la photographie ne répond ni à besoin primaire, c'est-à-dire naturel, ni davantage à un besoin secondaire, c'est à dire créé et entretenu par l'éducation ? Si la psychologie permet d'expliquer les satisfactions que procure la photographie, elle ne rend pas compte des fonctions sociales que ces raisons dissimulent.
La simplicité et l'accessibilité de la photographie amateur laisse croire que cette pratique est abandonnée à l'anarchie des intentions individuelles. Pourtant, de nombreuses corrélations sont observables entre la pratique photographique et des données de la vie familiale. En l'occurrence, le terme de famille désigne plusieurs réalités : la famille étendue, c'est-à-dire la parentèle ; ou bien la famille nucléaire, c'est-à-dire l'unité familiale réduite aux parents et aux enfants non mariés. Quant à Bourdieu, il la définit comme une catégorie sociale subjective, d'où l'importance de la représentation et du symbolique en son sein.
Au regard de ces différents éléments, on peut donc légitimement s'interroger sur cette corrélation entre famille et photographie. Plus précisément, quel rôle joue la photographie dans la symbolique familiale ? Après avoir montré en quoi la photographie est une pratique familiale, nous étudierons les normes qui déterminent son contenu.
[...] Lors des photographies de vacances, les personnages et le décor - la Tour Eiffel par exemple - sont scrupuleusement mis en valeur par le cadrage, afin de maximiser leur rendement symbolique : 74% des photographies comportent des personnages, seulement 10% ne sont que des paysages. Il s'agit donc bien de reconnaissance, non de contemplation. Et si il se dégage une valeur esthétique, elle n'est qu'accidentelle. Déviance et anomie Néanmoins des photographes ont des aspirations esthétiques. Pour reprendre les termes utilisés par Durkheim pour qualifier les types de suicide, on peut décrire la pratique de ces photographes comme pratique égoïste ou anomique En fait la négation de la fonction familiale de la photographie est favorisée négativement dès que l'intégration familiale est moindre. [...]
[...] Au regard de ces différents éléments, on peut donc légitimement s'interroger sur cette corrélation entre famille et photographie. Plus précisément, quel rôle joue la photographie dans la symbolique familiale ? Après avoir montré en quoi la photographie est une pratique familiale, nous étudierons les normes qui déterminent son contenu Une pratique familiale Un indice d'intégration familiale Si la pratique de la photographie est relative au revenu, elle est surtout fonction de l'intégration familiale : tout d'abord, la pratique décroît avec l'âge, c'est à dire à mesure que s'affaiblit la participation à la vie sociale et que la famille, notamment chez les citadins, s'éparpille2. [...]
[...] Il s'agit donc pour la famille de faire état de son intégration, comme en témoigne les sujets des photographies : les trois quarts représentent un groupe et la moitié comportent des enfants. Les photographies unissant enfants et adultes sont par ailleurs très fréquentes du fait qu'elles saisissent et symbolisent l'image de la lignée Le conditionnement social ne s'exerce donc pas exclusivement sur la manière de photographier mais aussi sur son contenu Des sujets normés Le rituel de la fête Plus de deux tiers des photographes sont des conformistes saisonniers et utilisent leur appareil lors des mariages, des réunions d'amis ou des voyages. [...]
[...] En définitive, la photographie est une pratique essentiellement normée par sa fonction familiale. Elle est aussi bien une manifestation de l'intégration familiale qu'un de ses instruments, en ce qu'elle renforce la représentation que s'en font ses membres. Si l'appareil photo est un bien aussi diffus, si il est plus légitime de photographier quelqu'un à certains moments qu'à d'autres, c'est bien parce qu'il y a un intérêt extrinsèque de la photographie. Bibliographie - Un art moyen : essai sur les usages sociaux de la photographie, Pierre Bourdieu (dir.), Les éditions de minuit (2ème éd.), p.17 à Les citations sont extraites du chapitre 1 rédigé par Pierre Bourdieu de l'ouvrage, Un art moyen Les statistiques de cette proviennent d'études réalisées entre 1958 et 1964 (enquêtes par questionnaire et entretiens semi-directifs). [...]
[...] Telle est la première question qui surgit lorsque l'on porte, comme Bourdieu, un regard sociologique sur la photographie. En effet, comment expliquer une telle diffusion alors que la photographie ne répond ni à besoin primaire, c'est à dire naturel, ni davantage à un besoin secondaire, c'est à dire créé et entretenu par l'éducation ? Si la psychologie permet d'expliquer les satisfactions que procure la photographie, elle ne rend pas compte des fonctions sociales que ces raisons dissimulent. La simplicité et l'accessibilité de la photographie amateur laisse croire que cette pratique est abandonnée à l'anarchie des intentions individuelles. [...]
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