Veblen avance l'idée que la classe dite « de loisir » peut être considérée comme une institution dont on trouve diverses manifestations à travers l'histoire et jusqu'à aujourd'hui. Il va en retracer l'histoire depuis l'Antiquité et propose une périodisation qui permet de distinguer 4 périodes économiques successives : la période néolithique (la Préhistoire, qu'il qualifie de sauvage et paisible), la période barbare (période guerrière et prédatrice, dans laquelle on aurait vu émerger la propriété privée, et avec elle une classe dominante, oisive, cherchant à se distinguer des autres classes. Cette période voit progressivement s'installer une lutte de tous les individus face aux autres individus, qui tranche avec la paix de la période néolithique) la période artisanale et la période machiniste (c'est la période moderne dans laquelle entre la société américaine à la fin du 19e siècle).
[...] L'obligation de jouer le jeu pour tenir son rang Pour cultiver sa réputation et maintenir son rang, celui qui appartient à la classe de loisir se voit contraint de jouer le jeu des bonnes manières. Voilà d'où vient que la concurrence fait rage autour du savoir-vivre. Pour V. la contrainte sociale (chère à Durkheim) est d'abord celle que nous imposent les autres. Voilà pourquoi ce loisir qu'on exhibe devient un laborieux exercice de maintien et une éducation du goût. Ainsi apprend-on à discerner ce qu'il convient de consommer et la bonne méthode pour le consommer comme il faut. [...]
[...] Ces différences de modes de vie sont le produit de la place qu'occupent les individus dans la division du travail social. Au fur et à mesure que ses travaux se diversifient et se spécialisent, la ligne qui sépare les classes travailleuses et classes oisives en vient à séparer les fonctions industrielles des fonctions non industrielles. Ce qui s'institue, c'est l'existence d'une classe de loisir qu'incarne pour V. à l'époque moderne la bourgeoisie. Bourgeoisie pour laquelle la propriété privée est un dogme, pour laquelle la rivalité pécuniaire (lutte pour la possession de l'argent) est une règle de vie. Pour V. [...]
[...] dit de la bourgeoisie n'est donc que très partiellement vrai. III. Être riche, c'est bien, mais le montrer, c'est mieux : le loisir ostentatoire et son analyse par Veblen Veblen commence par montrer que pour s'attirer et conserver l'estime des hommes, il ne suffit pas de posséder la richesse ou le pouvoir, mais il faut les mettre en évidence. C'est à l'évidence seul que va l'estime. En mettant sa richesse en vue, on fait non seulement sentir son importance aux autres, mais on affermit et préserve aussi toute raison d'être satisfait de soi. [...]
[...] Rares sont les personnes de la bonne société à qui le travail n'inspire pas une répugnance instinctive. On condamne sans hésitation, et on fuit une habitation humble, etc. Donc non seulement il faut acquérir la richesse et l'afficher, mais il faut aussi savoir à quel milieu on appartient, qui il s'agit de fréquenter et qui il s'agit de ne pas fréquenter. Nos modes de vie se fondent pour V. sur cette distinction. Quelqu'un de distingué est celui qui est précisément distingué des autres. Le loisir ostentatoire est un moyen de marquer la différence. [...]
[...] Une des façons d'y arriver est de consacrer son temps à des pratiques qui vont distinguer ces individus des autres : l'apprentissage de langues mortes, la musique, l'habillement (la mode), l'ameublement, certains sports ou jeux, etc. Derrière chaque bien que j'acquiers, il y a l'usage, la valeur d'échange, mais aussi, et surtout une valeur d'échange signe (qui permet une distinction avec autrui). Afficher son milieu social, sa différence sociale est accompagnée de la connaissance des bonnes manières, du sens de la convenance. On peut d'ailleurs les acquérir, cela s'apprend. Elles permettent encore de faire la différence. Cette vie ne saurait s'accompagner d'un certain savoir- vivre. [...]
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