D'origine anglaise, l'auteur de 1984, Éric Blair de son vrai nom est né en Inde en 1903 et mort à Londres en 1950. Issu d'un milieu bourgeois, et formé à Eton, il décide de rompre avec son milieu d'origine, devenant un journaliste et écrivain engagé. Sa production littéraire témoigne de cet engagement avec Dans la dèche à Paris et à Londres (1933) et Une histoire birmane en 1934. Son activisme le conduit même en 1936 à participer à la guerre civile d'Espagne au côté des milices du POUM. De sensibilité socialiste comme la majorité des écrivains britanniques des années 1930, il écrit alors des romans qui sont de véritables essais politiques comme Le Quai de Wigan en 1937 puis Hommage à la Catalogne en 1938. Cependant c'est surtout La ferme des animaux et 1984, œuvres écrites à la fin de sa vie qui ont la plus grande postérité. Son engagement contre le totalitarisme, il le déclare dans Hommage à la Catalogne, quand il affirme que tout ce qu'il a écrit de sérieux a été écrit : « contre le totalitarisme.. ».
[...] Le deuxième personnage du roman est Julia, membre de la ligue antisexe des Juniors. Cet État fictif repose alors sur quatre ministères, le Ministère de la Vérité au sein duquel ils travaillent, les trois autres étant ceux de la Paix, de l'Amour et de l'Abondance. Quant à la société dans laquelle ils vivent, elle est d'une part sous la totale domination du Parti intérieur et d'autre part la guerre y est constante tantôt contre l'Eurasia, tantôt contre l'Estasia. Dans cette société dominée par la figure de Big Brother et fondée sur l'oppression, le premier acte de rébellion de Winston est alors la rédaction d'un journal. [...]
[...] Ces mesures extrêmes du régime ne peuvent se comprendre que dans le cas où le Parti intérieur veut asservir l'individu, car comme l'a écrit Jean-Claude Michéa : le désir d'être libre ne procède pas de l'insatisfaction ou du ressentiment, mais d'abord de la capacité d'affirmer et d'aimer, c'est-à-dire de s'attacher à des êtres, à des lieux, à des objets, à des manières de vivre Cette politique destructrice du Parti engendre alors une transformation totale de la nature humaine qu'Hannah Arendt a décrite avec un processus en trois étapes : destruction de la personne humaine, anéantissement de la personne morale et suppression de l'individualité avec la fin du dialogue avec soi-même puis avec autrui ce qu'elle appelle la Verlassenheit Quant à la répression sexuelle imposée par le Parti, elle est due au fait que la sexualité a une connotation éminemment politique dans le roman. Cela est illustré par Orwell à la page 170 : Leur embrassement avait été [ C'était un acte politique Cet aspect a été tout particulièrement traité par Wilhelm Reich. Le régime totalitaire, plus qu'un État policier, a cette volonté de terroriser les êtres humains de l'intérieur et cela à deux niveaux, intellectuel et moral. O'Brien le souligne parfaitement à la page 352 : Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux . [...]
[...] Plus précisément, l'idéologie ne va pas prouver ce qui est souhaitable (ce qui est juste, ce qu'il faut faire) puisqu'elle le présuppose au préalable dans 1984. Ainsi l'idéologie va permettre : de donner des directives individuelles et collectives comme le pense R. Rodinson. D'autre part, l'Angsoc par l'intermédiaire d'O'Brien proclame par la suite : Nous faisons les lois de la nature ce faisant le régime va également interdire tous liens sociaux directs, des liens tels l'amour, l'amitié, la persistance de la cellule de base qu'est la famille n'étant qu'une apparence. [...]
[...] Cependant ils sont rapidement arrêtés par O'Brien qui s'est joué d'eux. Torturés, ils finiront par abdiquer. Dans un dernier acte de soumission, Winston, vaincu, déclare son amour pour Big Brother. Il semble dès lors intéressant de se demander : comment Orwell dans 1984 souligne-t-il que l'hubris est le moteur qui anime cette expérience inédite du XXe siècle que fut le totalitarisme ? La perversion sociale : L'individu n'a de pouvoir qu'autant qu'il cesse d'être un individu Cette démesure du régime totalitaire va alors se concrétiser par le reniement de toute individualité, cela est confirmé quand O'Brien annonce à Winston à la page 349 : L'individu n'a de pouvoir qu'autant qu'il cesse d'être un individu poursuivant : s'il peut se soumettre complètement et entièrement, s'il peut échapper à son identité, s'il peut plonger dans le parti jusqu'à être le Parti, il est alors tout-puissant et immortel Claude Lefort a également souligné à cet égard la volonté du totalitarisme de mettre en avant image du peuple-Un et, de facto du pouvoir-Un Hitler a exprimé cette idée lorsqu'il a écrit que l'individu doit se dissoudre dans un pouvoir supérieur, ce qui impliquait l'acceptation de son insignifiance. [...]
[...] L'emprise du Parti est d'autant plus forte que la population de l'Océania accepte cette situation dans sa quasi-globalité, la masse a intégré l'ordre social des dominants. L'attitude de Parsons est saisissante quand il affirme à la page 310 : Bien sûr, je suis coupable Il est le représentant symbolique de cette masse de fonctionnaires subalternes contrainte à la fidélité et à la soumission totale. Cette intériorisation de l'oppression fut tout particulièrement étudiée par la pensée néomarxiste et notamment par l'école de Francfort avec Adorno analysant ces phénomènes de manipulation. [...]
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