Bien que rendu célèbre en son temps pour ses travaux de criminologie et surtout pour son livre Les lois de l'imitation (1890), la place qu'occupe aujourd'hui Gabriel de Tarde dans l'histoire de la sociologie reste très attachée aux polémiques qui l'opposèrent à Émile Durkheim quant à la définition de la sociologie naissante et de son objet (...)
[...] et plus loin A l'origine un homme commande et les autres obéissent . ou évidemment selon le même schéma nous arrivons à une société démocratique à force d'imitation, société démocratique qui n'est elle même rien d'autre qu'une imitation innovante de la société monarchique. Qu'on dise si la souveraineté populaire ainsi formée [par le suffrage universel] est autre chose que la multiplication à des milliers d'exemplaires de la souveraineté monarchique [ (p404) Certaines prévisions de l'auteur semblent cependant plus avisées quant à l'importance que jouera le développement des moyens de communication et notamment des médias de masse (qui n'existent pas encore réellement en tant que tel à l'époque de Tarde), en tant que ceux-ci permettront aux flux imitatif d'accroitre sans cesse leur espace et la rapidité de la transmission. [...]
[...] De cette manière il peut englober des phénomènes d'imitation très différents : par exemple parler d'imitation à propos d'assimilation violente à un modèle culturel dans le cadre d'une colonisation. L'individu dans cette théorie n'est rien d'autres qu'un vecteur aléatoire des différents courants imitatifs, il est le lieu ou se croisent, s'affrontent, s'agencent ou se neutralisent les flux d'imitation. Au niveau des individus, Tarde signale que ce sont systématiquement et fondamentalement, dans leurs substances, des croyances et des désirs qui s'imitent et s'inventent. [...]
[...] Ce qu'il observe en effet, et c'est ce qu'exprime le titre du premier chapitre les Lois de l'imitation, La répétition universelle c'est que dans n'importe quel champ d'étude, le scientifique doit commencé par observer les similitudes et les répétitions qui s'offrent à lui, les chiffrer, les classer et déterminer le principe qui les unie. Il n'y a de science ai-je dit, que des quantités et des accroissements, ou, en termes plus généraux, des similitudes et des répétitions phénoménales. (p15) En somme pour qu'il y est science il faut qu'il y est répétition, et l'objet de la science c'est d'expliquer par un principe fondamental le fonctionnement de l'objet observé. La théorie de l'ondulation joue ce rôle en physique, de même que l'hérédité en biologie et comme l'avance Tarde, l'imitation pour la science sociale. [...]
[...] (p83) La aussi, de la même manière que nous sommes passées de l'imitation unilatérale à l'imitation réciproque, la magnétisation a évolué selon le même principe : dans les sociétés étrangères et primitives les individus se croyaient autonomes comme nous, tout en étant sans le savoir des automates dont leurs ancêtres, leurs chefs politiques, leurs prophètes, pressaient le ressort Dans les sociétés contemporaines et européennes en revanche, la magnétisation est devenue plus mutuelle, et cette mutualité ayant été exagéré du fait de notre orgueil égalitaire cette magnétisation s'est renforcée de telle manière que nous nous persuadons à tort d'être moins crédule et donc moins imitatifs que nos ancêtres. En voulant faire de cette magnétisation la base du social tout en l'inscrivant dans une perspective dynamique censée jouer le rôle de moteur de l'histoire, Tarde peut pousser assez loin son analogie : Supposez un somnambule qui pousse l'imitation de son médium jusqu'à devenir médium lui-même et magnétiser un tiers, lequel à son tour l'imitera, et ainsi de suite. N'est-ce pas là la vie sociale ? [...]
[...] Cependant il nous semble que l'étude d'un auteur comme Gabriel de Tarde s'avère bien plus intéressante en replaçant l'œuvre, la façon dont elle a été reçu puis, plus tard, redécouverte dans ses différents contextes. A ce sujet, il nous faut absolument mentionner un article de Laurent Mucchielli datant de février 2000, paru dans la Revue d'histoire des sciences humaines et intitulé Tardomania ? Réflexions sur les usages contemporains de Tarde Cet article a notamment le mérite d'adopter une approche, à notre sens, réellement sociologique sur l'histoire de la pensée sociologique en partant du principe que celle ci n'est pas faite que de grands auteurs incontournables dont il faudrait absolument maitriser les théories les plus importantes, mais bien de rapports de forces entre des courants, des réseaux qui peuvent se structurer autour de certaines revues, de certaines universités qui s'affrontent littéralement à l'intérieur du champ scientifique pour reprendre le vocabulaire de Pierre Bourdieu. [...]
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