Fiche de lecture de deux pages sur « Comment faire de l'ethnographie quand on n'aime pas « ses » indigènes ? Une enquête au sein d'un mouvement xénophobe »
In Alban Bensa et Didier Fassin (eds.), Les politiques de l'enquête, 2008, p. 41-58.
[...] L'article de Martina Avanza pose la délicate question de la position du chercheur dans son rapport à l'enquêté et aux sujets. Sa thèse est consacrée au militantisme des membres de la Ligue du Nord, le parti d'extrême-droite aujourd'hui au pouvoir en Italie, du fait de sa coalition avec le mouvement 5 étoiles. Cet article fait suite à une dynamique de plus en plus reconnue en sociologie et en ethnologie : le retour d'expériences de terrain. En adoptant une démarche de réflexivité sur sa propre condition de chercheur, son investissement politique, émotionnel, cet exercice permet de mettre en relief la situation d'enquête et d'en expliquer les mécanismes parfois douloureux. [...]
[...] Par ailleurs, la lecture de retours d'expériences permet aussi de mieux aborder la situation d'entretien. La sociologie des élites a suffisamment témoigné d'entretiens sabordés par des enquêtés qui, par un usage très contrôlé de la parole, parviennent à faire d'une situation anodine, un véritable spectacle en leur faveur - ou à la défaveur de leurs adversaires. Finalement, mon expérience, bien que marquante, aura été positive. Elle montre la mise en récit des parents sur un sujet qui apparaît très délicat et très normé : l'éducation. [...]
[...] Cet exercice de « duplicité » (p.7) a certes permis de mener l'enquête mais dans quelles conditions ? Constamment dans une situation moralement et émotionnellement délicate, dans la crainte d'être démasquée, la chercheuse multiplie les petits séjours sur son terrain, se cache lorsqu'elle croise à nouveau l'un de ses enquêtés dans le métro parisien etc. Ces éléments ressentis négativement condamnent l'approfondissement d'un tel objet après les rendus académiques qu'il implique. Comme le précise la chercheure, continuer après sa thèse, c'est leur rendre des résultats qui pourraient être repris et légitimer l'organisation ainsi que de devenir acteur de ce monde dont elle a constamment cherché à maintenir une distance. [...]
[...] C'est notamment l'intérêt majeur de cet article qui témoigne du malaise ambiant de son enquête. Tiraillée entre les jugements, le mépris qu'elle-même affichait envers cet « objet politiquement détestable » très loin des valeurs qu'elle soutenait et la nécessaire empathie éprouvée pour cet objet constamment raillé et blessé par ce mépris de classe. A la fois bourreaux dans leur idéologie, dans leurs actions et victimes d'une stigmatisation constante de la part des élites urbaines. Ce travail de déconstruction nécessaire à la survie de l'enquête a rapidement posé problème. [...]
[...] Elle me soutenait durant notre entretien (et même les différentes fois où nous discutions) être contre ce qu'elle considérait comme un acte à la fois violent mais surtout inutile. Au contraire, elle lui préférait des méthodes douces comme la parole ou la négociation qu'elle jugeait aussi efficace. Or, son mari me soutenait le contraire dans un autre contexte et, dans mes souvenirs, je me rappelais l'avoir vue punir par la fessée. Ce travail constant de valorisation me déconcerta et m'agaça car il s'appuyait sur la rupture du lien de confiance et je ne parvenais pas à sociologiser cette situation. [...]
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