Sylvie Fainzang est anthropologue et directrice de recherche à l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Elle est membre du Centre de recherche Médecine, Sciences, Santé et Société (CERMES). Elle fait partie d'un courant d'étude en anthropologie qui s'intéresse à l'ethnomédecine. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les représentations et pratiques sociales relatives au corps et à la maladie et notamment de Ethnologie des anciens alcooliques (1996) et Médicaments et Société (2001), aux Editions Presses Universitaires de France.
Dans l'ouvrage La relation médecins-malades : information et mensonge, publié en 2006, Sylvie Fainzang rapporte les résultats de son étude anthropologique qui a duré quatre ans sur le thème de la communication entre le médecin et le malade, c'est-à-dire la demande, la recherche, la divulgation et la rétention de l'information dans le domaine médical. Pour sa recherche, l'anthropologue a observé les relations entre les médecins et les patients au cours des consultations. Elle a recueilli des témoignages de patients et de médecins, autour de la question de l'information. Elle les a écouté ensemble ou séparément. Son terrain de recherche a été centré sur un service de cancérologie et un service de médecine interne, où elle a suivi environ 80 patients, dont 60 qui avaient un cancer (de différents types) et 20 qui avaient d'autres pathologies. Elle a procédé à une observation discrète des consultations au cours desquelles elle n'intervenait pas, et à des entretiens non directifs à l'hôpital et au domicile des patients. Afin de conserver sa neutralité et de ne pas être amené à porter un jugement de valeur, elle a présenté l'enquête aux médecins en l'axant sur les malades et inversement, elle a présenté l'enquête aux patients en l'axant sur les médecins. Ce double exposé sera retranscrit de la sorte dans son ouvrage qui contient une première partie sur les médecins, une seconde partie sur les patients, et une troisième partie sur les malentendus existant dans leur communication.
[...] Le mensonge peut prendre deux formes : il peut être la dissimulation d'une vraie information et la transmission d'une fausse information. Il peut porter sur la totalité ou seulement sur une part de l'information. Par exemple, le médecin s'exprimera sur le diagnostic de cancer mais pas de quel type de cancer ou le degré de gravité, ni la présence de métastases. Il peut aussi mentir par paliers pour se rattraper d'un mensonge découvert par le patient, le médecin en fait un autre un peu plus proche de la vérité, mais qui n'est toujours pas la vérité. [...]
[...] Cela montre la difficulté que pose cette question qui est traitée de manière différente selon les médecins, mais aussi selon les patients. La vérité pour fonder une relation de confiance entre médecins et malades - Indications : Plusieurs justifications de la nécessaire vérité. Les tenants de la vérité adoptent une position de principe qui peut répondre à trois explications (ou à la combinaison des trois) : tout d'abord, l'idée défendue par les médecins comme par les malades que la communication de l'information revêt un caractère éthique à respecter. [...]
[...] La demande d'information leur apparaît comme une remise en cause du savoir médical, ce que ne permet pas leur position sociale. Un caractère paternaliste est attribué au médecin qui suppose que son patient n'est pas capable de recevoir l'information. Ce paternalisme est accepté, voire recherché lorsque le patient préfère confier la responsabilité des décisions au médecin. À l'inverse, quand les patients formulent des questions détaillées sur la maladie et les traitements, ils montrent qu'ils sont plus enclins à affronter l'autorité que représente le médecin. [...]
[...] Il est reconnu par de nombreux médecins que les patients ressentent leur maladie, quel que soit le niveau d'information reçue, et qu'il faut une certaine cohérence entre les symptômes perçus, le diagnostic annoncé et la thérapie proposée. D'où l'importance de la véracité des propos du médecin pour une meilleure adhésion au traitement. Le partage de la vérité constitue donc une partie de la relation morale et thérapeutique qui s'établit entre le patient et le médecin. Le mensonge, une pratique connue de tous - Indications : Les justifications de l'usage du mensonge. [...]
[...] Il peut par exemple poser les mêmes questions à plusieurs reprises au médecin pour tester la fiabilité de l'information obtenue. De même, il pratique parfois le vagabondage médical (p114), consistant à aller de médecin en médecin pour confirmer ou infirmer le diagnostic. Il est conscient que son corps et sa santé sont les enjeux de sa relation avec le médecin et cherche à peser davantage dans cette relation. Giddens (1991) attribue cette évolution du comportement du malade à la masse d'informations disponible qui reflète la diversité des autorités, favorise l'émergence d'un nouveau savoir et crée de nouveaux rapports sociaux (cité p99). [...]
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