Les supplices définissent bien chacun un certain style pénal. Aux 17e et 18e siècles, toute l'économie du châtiment va disparaître et parmi ces modifications va figurer la disparition du supplice. Pour la justice pénale, c'est un âge nouveau qui apparaît. Le corps comme cible majeure de la répression pénale va finir par disparaître.
A la fin des 18e et 19e siècles, la sombre fête punitive est en train de s'éteindre. Il y a d'abord l'effacement du spectacle punitif. Ainsi l'exposition est abolie en avril 1848. La punition a cessé peu à peu d'être une scène. C'est comme si les fonctions de la cérémonie pénale cessaient progressivement d'être comprises. On soupçonne ce rite qui « concluait » le crime d'entretenir avec lui de fourbes parentés.
Désormais l'exécution publique est perçue maintenant comme un foyer où la violence se rallume. La punition tendra donc à devenir la partie la plus cachée du processus pour entrer dans celui de la conscience abstraite. En fait, la punition est un élément d'elle-même qu'elle est bien obligée de tolérer mais dont il lui est difficile de faire état.
[...] L'idée est la suivante : il faut punir autrement. Très vite le supplice est devenu intolérable. Révoltant si on regarde du côté du pouvoir où il trahit la tyrannie, l'excès, la soif de revanche et le cruel plaisir de punir. Il faut que désormais la justice criminelle, au lieu de venger, punisse enfin. Et au 19e siècle viendra d'ailleurs l'époque où cet homme découvert dans le criminel deviendra la cible de l'intervention pénale, l'objet qu'elle prétend corriger et transformer. Tout se passe comme si le 18e siècle avait ouvert la crise de cette économie du corps, proposé pour la résoudre la loi fondamentale que le châtiment doit avoir l'humanité pour mesure sans qu'un sens définitif ait pu être donné à ce principe considéré pourtant comme incontournable. [...]
[...] Le supplice pénal ne recouvre pas n'importe quelle punition corporelle : c'est une production différenciée de souffrances, un rituel organisé pour le marquage des victimes et la manifestation du pouvoir qui punit ; et non point l'exaspération d'une justice qui, en oubliant ses principes, perdrait toute retenue. Dans les excès des supplices, toute une économie du pouvoir est investie. * Le corps supplicié s'inscrit d'abord dans le cérémonial judiciaire qui doit produire, en plein jour, la vérité du crime. Toute la procédure criminelle jusqu'à la sentence demeurait secrète. [...]
[...] La première c'est celle qui fonctionnait encore et qui prenait appui sur le vieux droit monarchique. Les autres se référent toutes à une conception préventive, utilitaire, corrective d'un droit de punir qui appartiendrait à la société toute entière alors que dans le droit monarchique, la punition est un cérémonial de souveraineté. Dans le projet des juristes réformateurs, la punition est une procédure pour requalifier les individus comme sujets de droit, elle utilise non des marques, mais des signes, des ensembles codés de représentation. [...]
[...] L'effet majeur du panoptique est ainsi d'induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir, que les détenus soient pris dans une situation de pouvoir dont ils sont eux-mêmes les porteurs. Bentham a donc posé le principe que le pouvoir devait être visible et invérifiable. C'est un dispositif important, car il automatise et désindividualise le pouvoir. Peu importe par conséquent qui exerce le pouvoir, tout comme est indifférent le motif qui l'anime. * Le panoptique est un modèle généralisé de fonctionnement, une manière de définir les rapports du pouvoir avec la vie quotidienne des hommes. [...]
[...] De plus, le métier de priver un homme de sa liberté et de le surveiller est un exercice de tyrannie. La prison au total est incompatible avec toute cette technique de la peine- effet, de la peine-représentation, de la peine-fonction générale et de la peine-signe et discours. Mais au final, la prison est devenue la forme essentielle de châtiment, elle concerne presque tout le champ des punitions possible. En moins de vingt ans, à ce théâtre punitif, dont on rêvait au 18e siècle et qui aurait agi essentiellement sur l'esprit des justiciables s'est substitué le grand appareil uniforme des prisons dont le réseau d'édifices immenses va s'étendre sur toute l'Europe alors qu'avant elle n'avait qu'une position restreinte. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture