"Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement" De Jean-Claude CHAMBOREDON et Madeleine LEMAIRE
"Une « discrimination informelle » ?" De Sylvie TISSOT
Les deux textes que nous allons être amenés à étudier sont produits par des chercheurs en sociologie urbaine.
Le texte de Chamboredon et Lemaire à été publié en 1970 dans La revue française de sociologie, tandis que celui de Tissot est un article récent de septembre 2005, paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales.
Ils traitent tous deux du logement social et des difficultés et problématiques que rencontre la population constitutive de ce type de construction. Ils abordent en parallèle le thème de mixité sociale, notion qui en 1970, n'avait pas d'appellation propre.
Avant toute chose, il s'avère nécessaire de retracer l'évolution historique du logement social français, dans l'optique d'avoir une approche plus complète des deux textes.
Après la seconde guerre mondiale, l'Etat doit répondre à la forte demande en logement provoquée par les destructions massives d'habitations et l'augmentation des natalités et de l'immigration. Il est donc confronté à la nécessité de construire vite, en quantité et à bon marché. Pour cela, il concentre le plus possible les programmes immobiliers sur un nombre restreint d'espace.
A la fin des années 50 et pendant toute la décennie 60, habiter dans les grands ensembles HLM représente une promotion. De nombreux français issus de différents milieux sociaux veulent accéder aux nouveaux logements collectifs qui disposent du « tout confort ».
Les convoitises à l'égard des grands ensembles tendront cependant, rapidement à s'estomper lorsque l'opinion publique prendra conscience des problèmes qu'ils engendrent : marginalisation de la population, médiocrité générale des logements et des espaces mais également, et c'est ce dont nous allons traiter : le fait que l'agrégation d'individus devait dans l'idéologie permettre l'élaboration de liens sociaux ; mais qu'en pratique ce type d'habitat rapproche des catégories sociales pour lesquelles les formes de sociabilité diffèrent.
Dés le milieu des années 70, les pouvoirs publics devront donc prendre des initiatives en vue de redonner au logement social une image valorisée et de permettre au secteur HLM de répondre encore mieux à ses objectifs initiaux d'accueil des classes populaires.
La fin des années 90, voit la constitution de nouveaux villages et des quartiers collectifs à échelle humaine, attentifs aux espaces publics, respectueux de l'environnement et de leur site d'implantation, qui répondent aux attentes des habitants. Mais les problèmes persistent.
[...] Le texte de Chamboredon et Lemaire nous confronte à une étude originale qui s'attache à comprendre comment la population logée est arrivée dans le grand ensemble de Massy, par quelles filières d'attribution des logements, avec quel objectif résidentiel. Les deux chercheurs abordent le grand ensemble par le biais de leur peuplement, de leur composition sociale. Ils adhèrent a l'un des courants de la sociologie, que l'on nomme morphologique, et qui cherchent à comprendre dans le cas étudié, comment la population des grands ensembles s'est constituée. [...]
[...] Ici les rapports de classe ont une importance majeure. Le rapprochement sur un même espace de classes différentes renforce les oppositions et les visions négatives sur les autres classes (par exemple la façon dont les classes moyennes et supérieures dénigrent les modes de vie des classes populaires). La diversification sociale rompt alors avec les solidarités traditionnelles de classes. Les deux textes étudiés développent un regard particulièrement critique sur les grands ensembles et leur mode de fonctionnement. Ils apparaissent complémentaires sur plusieurs points. [...]
[...] L'usage du critère de revenu, constitue la première discrimination, illégale en théorie, dans la sélection des candidats. Effectivement les deux seuls critères mentionnés par le code de la construction et de l'habitation en matière de sélection sont : une situation régulière pour les étrangers et le non dépassement d'un plafond de ressources. Mais, le prétexte de mixité justifie la sélection de candidats en fonction de planchers de revenus de plus en plus élevés. On retrouve cette même justification, en terme ethnique. [...]
[...] Ils savent qu'ils ne peuvent espérer mieux et la coexistence avec des catégories sociales auxquelles ils aspirent leur permet de se sentir rapprochés d'elles. Il faut nuancer ce modèle car les groupes sociaux les plus défavorisés vont vivre ce rapprochement hétérogène comme une humiliation. Les classes supérieures ont quant à elle un regard très dur à l'égard des grands ensembles. Souvent le grand ensemble constitue pour elles, une phase de transition vers un habitat individuel ou en quartier résidentiel. Le fait de côtoyer des classes inférieures constitue alors une gêne importante. [...]
[...] De la même manière, on peut comprendre les conduites de sociabilité en se référant à l'hétérogénéité de la population. Le texte de Chamboredon et Lemaire fait état de plusieurs types de conduites de sociabilité qui vont différer selon la position sociale des individus. Tout d'abord il faut envisager la manière dont les différentes classes perçoivent et vivent les relations sociales. Les ménages des classes moyennes et supérieures cherchent à développer des relations de service, des échanges, alors que les ouvriers préfèrent ne pas entrer dans ce type de relation, car ils n'y voient pas la solidarité communautaire qu'ils recherchent. [...]
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