Le titre de l'oeuvre étudiée suppose non seulement une différence entre les deux notions qui sont, pour nous, Occidentaux contemporains, étroitement liées et impensables séparément, "l'État" et "la société", mais également une opposition : "La société contre l'État". La société se définit simplement par un groupe d'hommes vivant ensemble entretenant des rapports organisés, alors que l'État est une forme centralisée d'organisation politique, fruit de l'histoire à laquelle nous reviendrons.
Il s'agit d'une étude anthropologique de tribus indiennes en Amérique du Sud où sont décrits et analysés notamment les dynamiques de société, de pouvoir, les rites et les mythes chez les tribus Guayaki, Guarani, Yanomami et Chulupi-Ashluslay. Les analyses et conclusions que l'auteur tire de l'étude sont cependant hyperboliques et se veulent concerner le grand ensemble des tribus amérindiennes de tout le continent.
[...] Et ils ne mouraient pas de faim néanmoins (p.165). Revient l'idée de production suffisante chez les Indiens ; s'y ajoute le reproche à nos sociétés du travail instrumentalisant pour produire plus que ce dont on a réellement besoin (cf. Développement du capitalisme). Nous arrivons au passage choisi, qui semble contenir l'essence de la position de l'auteur et sa théorie de l'État (p.169) : Quand, dans la société primitive, l'économique se laisse repérer comme champ autonome et défini, quand l'activité de production devient travail aliéné, comptabilisé et imposé par ceux qui vont jouir des fruits de ce travail, c'est que la société n'est plus primitive, c'est qu'elle est devenue une société divisée en dominants et dominés, en maîtres et sujets, ce qu'elle a cessé d'exorciser ce qui est destiné à la tuer : le pouvoir et le respect du pouvoir. [...]
[...] C'est en 1974 qu'est publié l'ouvrage ici présenté, l'achèvement de son interprétation du monde primitif dont les fondements étaient déjà jetés dans ces ouvrages précédents. Clastres a beaucoup séjourné au Brésil, au Paraguay et au Venezuela. La Société contre l'État connaît le jour au lendemain d'un voyage long de dix ans. L'ethnologie ne [s'est] intéressée que tardivement à la dimension politique des sociétés archaïques écrit Clastres (p.8) lorsqu'il justifie son objet d'études. Précisons, au passage, la différence entre ethnologie, étude descriptive d'ethnies, et anthropologie, l'étude de l'homme en société. Clastres se veut pionnier, ou un des pionniers, de la matière. [...]
[...] "La société contre l'État", Pierre Clastres (1974) La Société contre l'État. Le titre de l'oeuvre étudiée suppose non seulement une différence entre les deux notions qui sont, pour nous, Occidentaux contemporains, étroitement liées et impensables séparément, l'État et la société, mais également une opposition : la société contre l'État. La société se définit simplement par un groupe d'hommes vivant ensemble entretenant des rapports organisés, alors que l'État est une forme centralisée d'organisation politique, fruit de l'histoire à laquelle nous reviendrons. [...]
[...] On n'est cependant pas dans l'observation scientifique, l'auteur est même très admiratif devant ces sociétés et il utilisera leur exemple pour étayer sa vision de l'État et des sociétés dites modernes à savoir les nôtres. L'organisation politique dans les sociétés amérindiennes se fait, dans une mesure importante, autour d'un chef de tribu, système appelé la chefferie. C'est une institution très particulière si l'on veut croire Pierre Clastres. On explicitera le fondement de l'autorité du chef afin de saisir la légitimation du pouvoir politique amérindien. La propriété la plus remarquable du chef indien consiste dans son manque à peu près complet d'autorité (p.26). Cela surprend énormément. [...]
[...] Lowie en 1948 des trois propriétés essentielles du leader (p.27) : 1º Le chef est un faiseur de paix ; il est l'instance modératrice du groupe, ainsi que l'atteste la division fréquente du pouvoir civil et militaire º Il doit être généreux de ses biens, et ne peut se permettre, sans les déjuger, de repousser les incessantes demandes des ses administrés º Seul un bon orateur peut accéder à la chefferie. La division fréquente du pouvoir civil et militaire qu'en est-il ? Tout d'abord, en effet, il est remarquable que les traits de la chefferie soient fort opposés en temps de guerre et en temps de paix, et que, très souvent, la direction du groupe soit assumée par deux individus différents. [ . ] Pendant l'expédition guerrière, le chef dispose d'un pouvoir considérable, parfois même absolu, sur l'ensemble des guerriers. [...]
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