La signification sociale de l’argent, V. Zelizer, 1994, The social meaning of money, économie domestique, prestations d’aide sociale, sociologie économique
« L'argent serait un instrument unique, interchangeable et absolument impersonnel » ; « L'“absence de coloration” de l'argent, comme Georg Simmel remarquait au début du XXe siècle, a repeint le monde moderne dans un “ton uniment plat et gris” » . Ces deux phrases sont primordiales pour comprendre le livre de Viviana Zelizer, La signification sociale de l'argent, en tant que ce dernier prend le contre-pied de ces deux théories, à savoir que l'argent serait un simple instrument d'échange fongible et neutre ; mais aussi que, suivant la pensée de nombreux sociologues à l'image de Simmel, la monétarisation entraînerait la corruption générale de la société, sa déshumanisation.
Lorsque Zelizer, professeure de sociologie à Princeton, travaille sur son livre, elle s'intègre dans un débat qui divisait le monde anglophone concernant la dimension sociale de l'économie. En effet, dans les années 1980, les sociologues américains se tournaient vers deux grandes pistes, amenant ensuite à la nouvelle sociologie économique : l'extension, qui cherchait à étendre des modèles économiques à des processus qui semblaient de prime abord ne pas être économiques ; et la mise en contexte qui avait pour but d'analyser les choix des agents économiques par le prisme de l'organisation sociale.
[...] Ainsi, est-il possible d'étendre l'argent aux objets qu'il permet d'acheter ? Cela paraît être une extension trop importante, car une fois que l'argent a été utilisé, l'objet acheté prend une valeur bien différente. Cependant, ces deux critiques peuvent être nuancées. Viviana Zelizer elle-même reconnaît ces critiques, mais une lecture plus approfondie semble nécessaire. En effet, le livre n'affirme pas que l'argent est culturel mais il cherche à rétablir le lien entre pratiques monétaires et relations sociales D'un point de vue strictement personnel, j'ai, dans l'ensemble, beaucoup apprécié ce livre, principalement car il permet de relativiser les concepts vus en économie en les reliant aux pratiques sociales. [...]
[...] La répartition de l'argent est source de conflits. Aussi, Zelizer remarque que si l'argent provient dans sa plus grande partie du mari, c'est à la femme qu'est confié l'argent des salaires et qu'elle a pour tâche de le transformer en monnaie domestique et d'effectuer les achats du foyer. Les femmes aimeraient néanmoins en bénéficier d'une partie pour leurs dépenses personnelles. Se mettent alors en place des stratégies pour obtenir de l'argent de la part de leur mari, diverses selon la classe sociale : les femmes les moins aisées allant jusqu'à voler dans les poches de leur mari, les femmes les plus aisées usant du chantage. [...]
[...] En effet, bien qu'elle y fasse quelque peu allusion dans son dernier chapitre, la question de l'actualité de la signification sociale de l'argent reste en suspens. On peut aussi s'interroger sur l'universalité de son étude, qui est, concentrée sur les Etats-Unis. Il semble ainsi qu'un lecteur français, marqué par son histoire et sa culture, ne lirait pas de la même manière ce livre, principalement concernant les prestations d'aides sociales qui ne sont pas vues du tout de la même façon outre-Atlantique. [...]
[...] Une étude proche de l'ethnographie L'étude de Viviana Zelizer est située. Elle concerne un pays, les Etats-Unis, à une période donnée, de 1870 à 1930, et un sujet précis, l'économie sociale au travers de l'étude de l'économie domestique, de celle du don et enfin de celle des prestations sociales. En ce sens, on pourrait rapprocher son analyse d'une étude ethnographique, car cette discipline a pour objet l'étude descriptive des activités d'un groupe humain déterminé Ici, Zelizer fait de l‘histoire un outil de l'étude sociologique ce qui permet de mettre en avant des phénomènes de long terme. [...]
[...] The social meaning of money, V. Zelizer (1994) Ouvrage utilisé : La signification sociale de l'argent, Paris, Seuil, traduction 2005 L'argent serait un instrument unique, interchangeable et absolument impersonnel ; L'“absence de coloration” de l'argent, comme Georg Simmel remarquait au début du XXe siècle, a repeint le monde moderne dans un uniment plat et gris” Ces deux phrases sont primordiales pour comprendre le livre de Viviana Zelizer, La signification sociale de l'argent, en tant que ce dernier prend le contre-pied de ces deux théories, à savoir que l'argent serait un simple instrument d'échange fongible et neutre ; mais aussi que, suivant la pensée de nombreux sociologues à l'image de Simmel, la monétarisation entraînerait la corruption générale de la société, sa déshumanisation. [...]
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