Ils font partie de notre quotidien en nous transmettant des informations sur tous les sujets. On les écoute ou on les lit, on les croit ou on les dénigre. Or, les médias, depuis la Seconde Guerre Mondiale surtout, caractéristiques d'une époque nouvelle, sont de puissants ressorts contrôlés, orientés, et instrumentalisés par une minorité de journalistes, l'élite journalistique, dont le rôle éminent est au cœur de nombreuses polémiques depuis le XIXe siècle et ce jusqu'à nos jours. C'est à cette élite et à sa composition, son rôle, son influence, que Rémy Rieffel, sociologue des médias, s'intéresse dans L'élite des journalistes, les hérauts de l'information, publié en 1984.
L'analyse d'une telle élite s'avère inséparable d'une interrogation sur les fondements de sa légitimité, nécessitant une approche globale du champ dans laquelle elle s'insère ainsi qu'un examen des rapports qu'elle entretient avec les autres instances en jeu dans le processus de l'information. Ainsi, dans cet ouvrage, Rieffel se pose la question des liens qui existent entre l'élite journalistique et le pouvoir à travers une étude détaillée de cette élite de journalistes. Pour ce faire, il étudie en quatre parties distinctes les fondements de cette élite, puis sa légitimité externe, sa légitimité interne, et enfin sa conformité.
[...] Le journaliste lisant l'article du concurrent y cherche un point de vue, une orientation qu'il pourra ensuite comparer aux siens. De plus, cette lecture permet de ne pas être devancé par le concurrent dans un contexte toujours plus marqué par la loi du marché. Cependant, Rieffel montre que cette situation et cette méthode aboutirent à un certain mimétisme. Ainsi, il écrit la presse s'auto-alimente et s'auto-contemple, perdant de la sorte toute originalité et une certaine capacité d'innovation d'autant que l'enquête fait apparaître que les journalistes issus de l'élite lisent presque tous les mêmes journaux et écoutent les mêmes émissions audiovisuelles. [...]
[...] Partageant en gros les mêmes activités, habitant dans les mêmes quartiers, fréquentant le même milieu social, l'élite fait preuve d'une grande homogénéité, sans qu'on puisse pour autant, comme l'explique l'auteur, l'identifier comme une classe sociale, dans la mesure où elle n'a pas véritablement conscience de sa solidarité. De plus la détermination des idéaux des journalistes, de leur perception de soi est instructive elle aussi. Selon l'enquête menée par Rieffel, les références des journalistes dans la perception qu'ils ont d'eux-mêmes s'appuient sur trois idéaux. Ainsi, le médiateur, l'ordonnateur, le pédagogue comme perception de leur propre rôle au sein de la société l'emportent sur le commentateur et surtout sur le garde-fou et le conservateur. [...]
[...] D'abord, il s'appuie sur les chiffres du tirage et l'audience. Or, dans la mesure où les chiffres sont très aléatoires et parfois non communiqués, cet élément d'évaluation ne suffit pas. Il paraît ensuite bien plus instructif de se servir de la réputation et de la notoriété des journalistes à l'intérieur de la profession même. Il est également nécessaire d'exploiter la distribution des journalistes dans un ouvrage qui incarne l'image que l'élite entend livrer d'elle-même, à savoir le Who'S. Who. Enfin, il est primordial de retenir les titres et les émissions lus, écoutés et regardés en priorité par la classe dirigeante. [...]
[...] De plus, Rieffel met l'accent sur la primauté du centre au détriment de la périphérie dans le choix des informateurs. C'est-à-dire que les journalistes préfèrent s'entretenir avec les dirigeants plutôt qu'avec les petites gens tels que les militants, ou les attachés de presse La conclusion de Rieffel est donc que les états-majors demeurent des moteurs d'opinion Outre ces trois principales sources d'information, Rieffel cite ce qu'il appelle l'Establishment qu'il définit comme étant tous ceux qui tiennent le haut du pavé en France», que ce soit dans le milieu judiciaire, médical, religieux, artistique ou intellectuel. [...]
[...] En effet, le journaliste d'élite est également, nous l'avons dit gestionnaire. Dès lors, ce journaliste entretient des relations avec le propriétaire de l'organe de presse, qui contrôle le plus souvent la nomination des responsables, ainsi que le processus de révocation ou de licenciement. Le gestionnaire n'a en fait que peu d'autonomie face aux propriétaires et au monde de l'argent. Cependant explique Rieffel, l'oligarchie journalistique reçoit des compensations contre sa faiblesse face aux puissances d'argent, par une monopolisation et une concentration des décisions qui s'incarnent dans les stratégies des petits comités, des discussions informelles C'est à celui qui aura le plus de pouvoir sur les subalternes, le plus de responsabilités, le plus d'influence Ainsi, à l'intérieur de l'organe de presse, l'élite possède une indépendance relative, puisqu'à une marge de manœuvre réduite liée à l'autocensure et aux contraintes économiques, s'associe un certain pouvoir de décision que la base des journalistes subit sans aucun doute. [...]
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