Après avoir été attaché, puis chargé de recherche au CNRS en 1962-63, Raymond Boudon a été professeur à l'université de Bordeaux (1964-1966), puis à la Sorbonne (1971-1980), à l'université René-Descartes (1971-1980), à l'université de Genève (1971-1995), et il est, depuis 1981, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne. Il a également été professeur
invité dans de très nombreuses universités étrangères, notamment à l'université Columbia, à
New York ; à Harvard ; aux universités de Genève, Stockholm, Chicago, New York, Trente ; à l'université d'Oxford ; à l'université Laval, à Québec ; à l'université du Québec, à Montréal ;
à l'Institut universitaire européen de Florence ; au Collège universitaire français de Moscou et de Saint-Pétersbourg ; à l'université Bocconi de Milan ; à la Faculté latino-américaine des sciences sociales de Santiago du Chili.
Ses travaux ont porté et portent sur l'école et le système scolaire en rapport avec la société ;
sur la mobilité sociale et l'éducation ; sur l'épistémologie et la méthodologie ; sur l'ordre
social, la place des valeurs dans la société et les croyances collectives ; mais aussi sur les modes de cognition. L'examen composé des différents paradigmes utilisés dans les sciences sociales, le retour aux fondements de la tradition sociologique, la mise en oeuvre, contre le sociologisme, de l'individualisme méthodologique dans l'explication des faits sociaux, dessinent de nouvelles pistes de recherche auxquelles Boudon a attaché son nom.
Pour Raymond Boudon, ce sont bien les individus qui agissent, mais les conséquences de leurs actions leur échappent : l'agrégation de nos actions individuelles aboutit à des résultats collectifs non prévus et non voulus. Telle est la question qui constitue l'objet de la sociologie.
La logique du social, « introduction à l'analyse sociologique », est le manifeste de ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'individualisme méthodologique » en sociologie.
Quand il écrit La logique du social en 1979, refusant les théories générales et mettant
l'accent sur le rôle des individus, Raymond Boudon va à contre-courant des tendances dominantes dans la sociologie française. Sous forme d'une introduction à l'analyse sociologique, il tente de faire le point théorique et pédagogique de sa pratique sociologique,
déjà largement développée dans deux importants ouvrages : L'inégalité des chances et Effets et ordre social. A partir d'une relecture des pères fondateurs de la sociologie : l'Italien Pareto
(1848-1923) et le Français Durkheim (1858-1917), Boudon propose une réflexion sur la connaissance sociologique par une description de l'objet de cette science, suivie d'une introduction à l'analyse statique des structures sociales, puis à l'analyse dynamique de celle-ci : le changement social.
La logique du social est donc une introduction à l'analyse sociologique et non une vue d'ensemble de la production sociologique. Boudon s'y attache à décrire la nature de la connaissance sociologique, telle qu'elle ressort, non d'une classification a priori des sciences mais des travaux des sociologues eux-mêmes. Ce livre porte sur les principes, les postulats et les objectifs de l'analyse sociologique plutôt que sur l'histoire ou l'état de la sociologie. Il est fondé sur une proposition essentielle selon laquelle les croyances ne sont intelligibles qu'à partir d'une analyse de la structure du système d'interaction dans lequel elles apparaissent, d'où l'importance pour l'explication des phénomènes symboliques, de l'ambiguïté et de
l'incertitude qui caractérisent certaines situations. Les systèmes symboliques sont dépendants
par rapport aux structures sociales et institutionnelles.
Les deux premiers chapitres de La logique du social traitent de l'objet implicite de la sociologie. Les chapitres III et IV représentent une introduction à l'analyse statique en sociologie. Deux notions fondamentales y sont proposées, celle de système d'interaction et de système d'interdépendance. Les chapitres V et VI sont une introduction à l'analyse du changement social ou, si l'on veut, à la dynamique sociale. Trois types fondamentaux de
processus y sont distingués et illustrés : processus reproductifs, processus cumulatifs et processus de transformation. Se faisant, Boudon traite de la réponse de la sociologie moderne
aux problèmes classiques de la philosophie de l'histoire. Les chapitres VII et VIII sont plus
généraux. Le premier traite du va-et-vient entre description et explication en sociologie. Le
second revient au problème de l'axiomatique implicite de la sociologie et des postulats
épistémologiques de l'analyse sociologique.
[...] Il y a une forte diversité des systèmes d'interdépendance. Certains effets émergents prennent la forme d'effets de renforcement, d'autre celle d'effets de renversement, d'autres de contradictions, d'innovation ou de stabilisation Dans certains cas, en plus d'être non désirés, les phénomènes sociaux peuvent également être non désirables pour les individus. On parle alors d'effets pervers qui est un type particulier d'effet émergent : on peut dire qu'il y a effet pervers lorsque deux individus (ou plus) en recherchant un objectif donné engendrent un état de choses non recherché et qui peut être indésirable du point de vue soit de chacun des deux, soit de l'un des deux L'exemple type d'effet pervers est le paradoxe de l'action collective mis en évidence par M. [...]
[...] Ils ne sont tels que conditionnellement. Même dans les cas où on peut sans abus parler de loi d'histoire ou de sens de l'histoire, cette loi ne revêt aucun caractère de nécessité et demeure au contraire conditionnelle. Les processus oscillatoires représentent une sous-classe importante à l'intérieur des processus cumulatifs. Ils sont caractérisés par un effet de rétroaction des sorties sur le système d'interaction. Mais les réajustements du système d'interaction ont une allure oscillatoire. Des processus oscillatoires apparaissent fréquemment dès que les décisions des agents sociaux s'effectuent dans un contexte d'incertitude. [...]
[...] Mais sa principale faiblesse est qu'il est difficile de donner une signification dépourvue d'ambiguïté à la notion parétienne d'action non logique. Le modèle des actions logiques est, dans bien des cas, insuffisant. Il est difficile de tracer une frontière nette entre rationalité et irrationalité, ou, si l'on préfère, entre logique et non logique : une action peut être rationnelle dans l'immédiat, mais comporter des effets différés indésirables Elle peut être rationnelle pour chaque individu mais irrationnelle à partir du moment où chacun se comporte rationnellement (p. [...]
[...] Or, Boudon ne peut fonder son individualisme que sur une mutilation de l'individu. Significatifs aussi les reproches qu'il adresse à Marx. Reprenant la théorie de la baisse tendancielle du taux de profit, il indique que la mise en évidence d'un état limite n'implique pas la nécessité de sa réalisation ; de là il tire la conclusion que le matérialisme de Marx est mécaniste Il reprend plus loin sa critique : Il en va de même des processus cumulatifs. Ils ne sont tels que conditionnellement. [...]
[...] Raymond Boudon renouvelle à sa manière le paradoxe de J.-J. Rousseau en développant une analyse sociologique dont les sujets sont à la fois libres et conscients de leurs actes individuels et inconscients des effets collectifs que provoque leur agrégation. Cette idée fondamentale qu'il a déjà brillamment illustrée dans d'autres ouvrages, Raymond Boudon la reprend ici dans la perspective d'une introduction à l'analyse sociologique. La logique du social est un livre important qui permet à l'auteur de faire la théorie de sa pratique tout en la rattachant aux grands sociologues du passé (Tocqueville, Marx, Durkheim, Max Weber ) et de battre en brèche le sociologisme et ses diverses variantes. [...]
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