« En vérité, il n'existe pas de peuple enfants ; tous sont adultes, même ceux qui n'ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence. » C'est avec cette célèbre phrase, à la fois poétique et profondément révolutionnaire, que Claude Lévi-Strauss pose les contours de la thèse qu'il va défendre tout au long de son ouvrage Race et histoire : il n'y a pas de sociétés sans dimension historique. Cette intuition a deux conséquences capitales, ce sont les deux lignes de force de l'ouvrage : la lutte contre l'ethnocentrisme et la discussion de la notion de progrès – et plus particulièrement du progrès vu d'Occident ; les cultures existent et se renouvellent en interaction les unes avec les autres en même temps qu'elles ont besoin d'un repli identitaire pour affirmer leur singularité.
En d'autres termes, Claude Lévi-Strauss, dans Race et histoire, veut montrer que la doctrine raciste est sans fondement, en même temps qu'il s'attaque à la forme inversée de cette idée : c'est-à-dire la position qui prétend pouvoir tirer des conclusions d'infériorité biologique de certains groupes d'humains au regard du soi-disant progrès culturel accompli par d'autres. Ainsi, l'ethnologue français s'attaque à deux figures du racisme : la première est connue et facilement identifiable, la seconde beaucoup moins. Ce racisme inversé s'enracine dans l'ethnocentrisme (ethnos, peuple et centrum, centre) – qui est, en vérité, un racisme dissimulé – qui a été défini par l'ethnologue William G. Summer en 1907 comme étant le fait de « placer son propre groupe au centre de tout » et de considérer que « les coutumes de son propre groupe sont les seules à être justes ». Plusieurs siècles avant, Michel de Montaigne ne disait pas autre chose dans les Essais (1595) : « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ».
Si selon son auteur, Race et histoire peut apparaitre comme « une petite philosophie à l'usage des fonctionnaires internationaux », l'ouvrage est conçu comme « un essai d'interprétation de la diversité des cultures » qui a pour ambition de chercher « le moyen de réconcilier la notion de progrès et le relativisme culturel. »
Ce travail est à la fois une synthèse des thèses développées par Claude Lévi-Strauss, une analyse et une explicitation des arguments qu'il présente ainsi qu'une critique de l'œuvre.
[...] Pour mieux comprendre cette idée de combinaison plus ou moins favorable, Lévi-Strauss opère un détour par la théorie des jeux c'est-à-dire la probabilité et s'attarde sur l'exemple de la roulette : À la roulette, par exemple, une suite de numéros consécutifs et et et 31, par exemple) est assez fréquente ; une de trois numéros est déjà rare, une de quatre l'est beaucoup plus[44]. Autrement dit, plus la série de chiffres est complexe, plus la probabilité d'apparition est faible, donc moins elle a de chances de se réaliser. [...]
[...] Certains frôlent le grotesque, par exemple “l'illusion de Valéry”, selon laquelle les civilisations seraient mortelles : les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n'en saurait rien.” Avec en plus une violence, on pourrait presque dire une méchanceté, très étonnantes, sauf à supposer chez leur auteur une blessure douloureuse. C'est un peu ce que répond Lévi-Strauss dans Diogène couché : M. Caillois s'explique avec son adolescence[51].” Dans Race et histoire, Lévi-Strauss avait utilisé la figure de Diogène dans le chapitre 7 Comme Diogène prouvait le mouvement en marchant qui prétendait réfuter les arguments théoriques de Zenon d'Élée contre la réalité du mouvement en se mettant à marcher. [...]
[...] Race et histoire de Claude Lévi-Strauss: synthèse, analyse et critique de l'œuvre I. Contexte de l'ÉCRITURE DE L'œuvre et notion de race II. ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES DE L'AUTEUR et influence intellectuelle DE Claude LÉVI-Strauss : Marxisme et linguistique III. RACE ET HISTOIRE : L'œuvre A. Race et Culture B. Diversité des cultures C. L'ethnocentrisme D. [...]
[...] Portée de l'œuvre et résumé de la polémique née à la suite de la parution de race et histoire A sa sortie le livre ne connaîtra pas le succès, sa diffusion sera limitée à un cercle restreint de spécialistes. Tout le contraire de Tristes Tropiques qui sortira trois ans plus tard. Pourtant, ce livre s'impose un livre phare de l'ethnologie et de lutte contre le racisme comme le souligne Émilio Balturi : le texte renverse bon nombre d'idées reçues : l'illusion ethnocentrique selon laquelle l'humanité s'arrête aux portes de sa propre culture est partagée par tous les peuples ; l'idée de sociétés primitives suppose la croyance naïve en un progrès général de l'humanité au nom duquel certaines civilisations sont jugées en avance sur d'autres. [...]
[...] Le propos de Lévi-Strauss n'est pas de nier la réalité d'un progrès de l'humanité, mais nous invite à concevoir plus de prudence. Il s'agit plutôt de reconsidérer notre perception sur le progrès, ainsi, Le développement des connaissances historiques et archéologiques tend à étaler dans l'espace des formes de civilisation que nous étions portés à imaginer comme échelonner dans le temps[35]. En résumé, pour l'ethnologue, le progrès (si ce terme convient encore pour désigner une réalité très différente de celle à laquelle on l'avait d'abord appliqué) n'est ni nécessaire, ni continu ; il procède par sauts, par bonds, ou, comme diraient les biologistes, par mutations[36]. [...]
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