"Quelques effets de l'idée de proximité sur la conduite et le devenir du travail social" de Marc Briviglieri, Luca Pattaroni et Joan Stavo-Debauge

Résumé du document

Cet article présente les résultats de recherches sur l'application et les conséquences du principe de proximité dans le travail des travailleurs sociaux et dans leurs rapports avec leur public. Avant d'entamer le commentaire du texte il convient d'en rappeler brièvement les grandes lignes. Dans un premier temps introductif, les auteurs présentent les conditions d'émergence puis le contenu de la notion de « proximité ». Ils évoquent ensuite les changements qu'a entraîné, dans la perception des personnes en difficultés par les travailleurs sociaux, l'introduction de la notion de proximité, avant de mettre en évidence des « tensions fortes » qui résultent, dans la pratique de l'aide sociale, de ces évolutions. Il s'agit principalement de tensions entre d'un coté un rapport personnalisé avec le public et de l'autre l'objectivité des critères effectifs d'aide à ce même public. Dans un troisième point, les auteurs s'intéressent aux questions de la reconnaissance publique des compétences des travailleurs sociaux dans la pratique d'une aide de proximité, et de leur capacité à réagir aux critiques formulés à l'encontre de ce travail de proximité. En conclusion les auteurs émettent des suggestions sur la place et le rôle que peut avoir l'idée de proximité dans le cadre des politiques sociales.

Extraits

[...] cette nouvelle appréhension de l'action sociale conduirait à l'individualisation de l'aide publique. Cette évolution expliquerait l'apparition de la notion de proximité dans le domaine de l'action sociale. La seconde évolution touche au mutations de l'analyse de la précarité et notamment l'apparition de la notion d'exclusion au début des années 1990. Cette notion conduit à la nécessité d'autonomiser les exclus, de les rattacher à la société, aux intégrés L'aide sociale est en conséquence réorienté vers une problématique d'intégration. Il s'agit de ré-intégrer des exclus au reste du monde social. [...]

[...] Seule une aide de proximité peut réaliser ce genre de pratique. L'Etat providence est incapable de développer de telle compétence en restant cantonné à des allocations fixées selon des catégories universelles d'ayant droit. Cependant, il serait à l'inverse non pertinent d'occulter l'aspect matériel et financier de la précarité sociale. C'est pourquoi précisément il y a inadéquation entre d'un coté l'individualisation du rapport au public et de l'autre l'universalité des critères d'aide au logement. La proximité, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui vise à combiner ces deux aspects mais, nous disent les auteurs, non sans difficultés. [...]

[...] Il y a véritablement conflit entre la subjectivité d'un rapport de proximité avec le public et l'objectivité des critères d'allocation. Les auteurs mettent en évidence le sentiment de trahison que peuvent éprouver les personnes en difficultés du fait de ce conflit difficilement surmontable par les travailleurs sociaux : L'inadéquation entre ses attentes fondées sur un lien fort de confiance et le peu de procédure qui ont finalement été effectuées en sa faveur ont débouché sur une impression personnelle de trahison et d'offense. [...]

[...] Tout d'abord celui de remettre en question la notion de proximité connotée positivement et qui pose cependant de sérieuses difficultés aux travailleurs sociaux et des problèmes éthiques non négligeable d'un point de vue moral et politique. Il est vrai que cette notion, telle qu'elle est présentée dans l'espace médiatique semble le plus souvent faire l'objet d'un consensus.[8] Elle a pris une telle ampleur qu'elle semble aller de soi et ne mériter aucune remise en cause. Le mérite des auteurs est aussi précisément d'avoir perçu l'ambivalence de la notion de proximité. [...]

[...] Et encore son efficacité est faible sans une évolution forte des mentalités sur les causes de la pauvreté et les conditions véritables de son entretien. Cependant on voit bien ici que la problématique bourdieusienne peine à expliquer la situation des exclus sociaux tels que les définit Serge Paugam[4] dans la disqualification sociale, où il décrit précisément, à partir d'une monographie menée dans un quartier en difficulté de Saint-Brieuc, les mécanismes qui peuvent mener un individu d'une phase de fragilité sociale à une situation de dépendance sociale jusqu'à une éventuelle rupture avec l'assistance sociale. [...]