Mike Davis est un sociologue américain ; il enseigne actuellement la sociologie urbaine à l'université de Californie. Son parcours est atypique : né en 1946 en Californie, il a dû quitter l'école à 16 ans pour devenir découpeur dans une usine de viande, puis camionneur. Il est entièrement autodidacte, et est très engagé politiquement depuis son adolescence. Ainsi, il a souvent participé à des manifestations et a même été arrêté à plusieurs reprises. Il collabore régulièrement à la revue du Socialist Workers Party, principal parti trotskiste d'extrême gauche au Royaume-Uni. Dans son principal ouvrage City of Quartz, il érige Los Angeles en « capitale du futur ».
L'extrait étudié est issu de l'un de ses derniers ouvrages, paru en 2006, intitulé Le pire des mondes possibles. Cet ouvrage marque un pas supplémentaire dans son étude des villes modernes dans leurs aspects les plus sombres. Ce sont les bidonvilles qui sont au centre de ce livre. Ils sont un fait marquant de l'urbanisation. Nous y sommes peu accoutumés, mais ils sont en revanche très présents dans les métropoles des pays en voie de développement, au point qu'y vit l'écrasante majorité de la population de ces villes.
[...] L'urbanisation a conduit à la disparition d'activités rurales traditionnelles telles la pêche qui avaient trouvé un certain équilibre, ce qui s'est traduit, au-delà de l'aspect culturel, par la destruction du revenu des pêcheurs. À certains endroits comme en Chine, les hiérarchies urbaines sont aussi facteur d'inégalité entre grandes villes et petites villes. Mais cette urbanisation intensive, dont on constate qu'elle est source de désagréments dans la mesure où elle rompt des équilibres, est- elle inhérente au développement ? Doit-on la regretter ? Doit-elle être considérée comme une cause où simplement comme un symptôme ? [...]
[...] Le rôle des institutions internationales néolibérales sur la désertion des campagnes est davantage celui d'un catalyseur que d'une responsabilité originelle. Le secteur agricole des pays en voie de développement souffre avant tout d'un manque de compétitivité flagrante du à une productivité trop faible ; en ce sens la mécanisation en tant que telle ne peut pas être incriminée. Au-delà, la résolution durable du problème du sous-développement réclamera forcément de mettre un terme à la carence d'innovation, qui est la seule à pouvoir véritablement créer de la richesse. [...]
[...] Le XXI° siècle restera comme celui qui aura connu le passage du règne de la ruralité à une population planétaire en majorité urbaine. Mike Davis considère cette révolution comme aussi importante que le passage au néolithique, ou encore que le passage à l'ère industrielle. Comme toutes les révolutions de cette ampleur, cela implique un changement radical de nos modes de vie et de nos représentations. Ainsi par exemple, la traditionnelle opposition entre espace urbain et espace rural qui devient stérile. [...]
[...] Il y a désormais plus d'urbains que de ruraux sur cette planète, résultat d'une croissance urbaine effrénée. Loin d'être homogène, elle concerne exclusivement les pays en voie de développement et résulte moins de l'exode rural que de l'urbanisation des campagnes ; les ruraux sont submergés et les équilibres rompus. Ni urbains ni ruraux au sens traditionnel, ces nouveaux espaces sont intermédiaires. Mais si l'urbanisation du tiers-monde se fait de la même manière que dans les pays industrialisés, elle est également bouleversée par son échelle. [...]
[...] Dans le premier cas, les villes présentent de l'attraction car elles offrent des emplois, des logements, des conditions de vie meilleures ; dans le second cas, les villes présentent de la répulsion, elles offrent de moins en moins d'emplois et promettent des conditions de vie particulièrement précaires, mais les gens n'ont pas le choix, car les campagnes offrent encore moins d'espoir à cause de la destruction du système agricole de ces pays. La sururbanisation dénoncée par Mike Davis résulte d'une part du manque de dynamisme économique des pays du Sud, et d'autre part de l'ampleur excessive de l'exode rural. Cependant, les responsabilités ne sont peut-être pas aussi évidentes que celles pointées par l'auteur, dont il faut garder à l'esprit l'inévitable subjectivité qui résulte de son engagement militant. [...]
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