La progressive transformation du marché du travail, qui débute dans le courant des années 1970, a fait l'objet de nombreuses études et de nombreux commentaires. Le développement des Formes Particulières d'Emploi (FPE) a été décrit, critiqué, attaqué comme une dérive du capitalisme ; ou au contraire applaudi comme une condition nécessaire à la poursuite de l'expansion économique des pays développés. La question de la flexibilité du travail est encore aujourd'hui au cœur des interrogations théoriques et politiques (l'acuité de ce débat peut s'illustrer dans la récente « crise du CPE » en France, contrat qui devait améliorer la flexibilité du travail et qui s'est retrouvé rejeté suite à une forte mobilisation populaire.) Dans ce grand mouvement de réflexion autour des nouvelles normes d'emploi, Pierre-Michel Menger part d'une interrogation tout à fait passionnante. Il tente de dresser un parallèle entre les évolutions récentes du monde du travail et les caractéristiques du monde de la création artistique. En effet, il apparaît que de nos jours, on demande de plus en plus aux travailleurs d'être créatifs, innovants, autonomes d'une part, et que les travailleurs recherchent de plus en plus un épanouissement personnel dans leur travail d'autre part. C'est bien entendu vrai dans les activités de recherche technique et scientifique, comme le note Menger dans son introduction, mais également dans une palette de plus en plus large de métiers. Or il semble que ces différents aspects recoupent les activités et aspirations des « artistes » : création, affirmation d'une individualité, prise de risque, etc.
[...] Conclusion Au total, Pierre-Michel Menger nous offre ici un court essai très stimulant et très pertinent sur la diffusion du modèle de l'artiste dans le monde du travail en entreprise. En effet de nombreuses caractéristiques des activités de l'artiste semblent se retrouver chez le salarié moderne : situation relativement instable, forte concurrence entre personnes de même qualification, implication nécessaire dans son travail, absence de définition claire de certaines tâches, nécessité de création ou à tout le moins d'innovation Cet ouvrage devrait donc faire des émules et il est tout à fait possible de développer les axes de recherche proposés par Menger. [...]
[...] Mais les goûts des consommateurs ne sont pas forcément une mesure fiable de la qualité d'une œuvre. On en revient donc aux différences de talent qui ne peuvent ni se mesurer, ni s'expliquer 3. choisir les inégalités Pourquoi choisit-on de devenir un artiste quand les risques d'échecs sont si grands ? Menger l'explique par deux facteurs. D'abord, les gains espérés sont très élevés, et donc les agents qui ont un goût pour le risque acceptent de tenter leur chance en espérant réussir. [...]
[...] Ainsi il affirme que les différences énormes de revenus entre deux chanteurs au mérite à peu près équivalent s'expliquent par une polarisation des choix de consommateurs et à l'impact de la communication dans la carrière d'un artiste. Ces affirmations semblent justes mais aucun exemple ne vient leur donner de validation empirique, ce qui ne laisse pas d'être gênant. La plus grande limite de cette théorie que propose Menger réside dans l'occultation d'un élément de comparaison que l'auteur mentionne mais ne traite pas réellement. [...]
[...] C'est bien sûr un choix que Menger assume dès son introduction lorsqu'il explique que son ouvrage part de la figure de l'artiste et se concentre sur cet aspect de la question. Pour autant plusieurs pistes de réflexion auraient pu être abordées dans cet ouvrage, dont nous proposons ici quelques exemples. Menger parle de l'assujettissement de l'art au capitalisme. Mais il ne décrit pas de manière positive les apports que l'économie de production a apportés au monde de la production culturelle : publicité, techniques de production, grande distribution, etc. [...]
[...] Problème de construction Ce premier reproche est sans doute le plus léger. Il concerne le troisième chapitre de l'ouvrage de Menger qui semble parfois décrocher un peu du sujet du livre. En effet les derniers paragraphes sont majoritairement constitués d'une description du marché du travail tel qu'on l'observe aujourd'hui (formes particulières d'emploi, chômage frictionnel et structurel, dilution du droit du travail Mais le lien avec l'artiste n'est plus vraiment fait, laissant au lecteur la sensation qu'il assiste uniquement à un exposé sur les nouvelles formes d'emploi. [...]
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