Alain Touraine, Wieviorka, Dubet, mouvement ouvrier, sociologie du travail, sociologie, nouveaux mouvements sociaux
« Peut-être ce livre vient-il trop tard » annonce d'emblée Alain Touraine dans la présentation dont il fait précéder son étude Le Mouvement ouvrier. Trop tard pour sauver le mouvement ouvrier : bien que Touraine ait toujours défendu l'idée selon laquelle le sociologue aurait une réelle influence sur la société, il ne prétend pas ainsi analyser les facteurs du déclin de ce mouvement en vue d'y remédier, mais dans le but de déterminer dans quelle mesure ce mouvement a été précurseur du mouvement social, et en quoi son extinction portait déjà en elle les ferments des nouveaux mouvements sociaux. Cette étude porte tout autant sur les raisons d'une fin que sur les facteurs porteurs d'un commencement.
Le mouvement ouvrier est très attaché à la notion de conscience de classe qui repose sur trois principes : le mouvement social ne peut exister que si le sujet a conscience de son identité propre, s'il connaît son adversaire et s'il combat pour le contrôle de l'historicité.
Dans cet ouvrage, Touraine se consacre principalement à l'étude de ce mouvement ouvrier, ainsi qu'à celle de son déclin, mais dans le but d'expliquer l'apparition de nouveaux mouvements sociaux (NMS). Le déclin du mouvement ouvrier est, selon Touraine, intimement lié à l'histoire de la société industrielle car il en a été le mouvement social central. Son déclin va donc de pair avec celui de l'économie industrielle.
Afin de comprendre pour quelles raisons et dans quelles conditions les luttes ouvrières ont produit le mouvement social de la société industrielle, et de comprendre quelle est la place des syndicats au début des années 1980, Touraine, Dubet et Wieviorka ont fondé une intervention sociologique durant deux années avec des groupes de militants syndicalistes afin d'apporter des réponses à ces interrogations. Intervention qui a donné lieu à la rédaction du Mouvement social, publié pour la première fois en 1984. Au travers de l'analyse de différents facteurs, Touraine et son équipe vont mettre en évidence les causes du déclin du mouvement ouvrier et les éléments porteurs des nouveaux mouvements sociaux : les sociologues prétendent réaliser l'analyse d'une transition.
[...] Il n'est cependant aucunement question de reproduction sociale comme le fait Pierre Bourdieu. Mais on peut trouver une similitude avec Pierre Bourdieu, qui lui-même s'est enfermé dans son concept de reproduction sociale et n'était donc pas en mesure d'expliquer certains changements réels. Touraine quant à lui reste du début à la fin de son étude persuadé du rôle central que les mouvements sociaux joueraient dans la société, sans jamais s'interroger sur la nécessité de relativiser ce qui devrait n'être jamais qu'une hypothèse On peut alors déceler des idées communes entre Michel Crozier et Alain Touraine. [...]
[...] Les techniciens de l'électronique par exemple étaient préoccupés par l'archaïsme de la démarche syndicaliste et étaient surtout effrayés par la modernisation galopante. Il apparaît donc que les nouveaux mouvements sociaux rencontrent un certain succès au sein du mouvement ouvrier car ils permettaient de mettre en avant des thèmes qui non seulement permettaient un plus profond ancrage du mouvement ouvrier dans la société, mais aussi (et surtout) car ces thèmes reflétaient les nouvelles craintes et préoccupations des ouvriers. Cependant nombreux sont ceux à être restés fermés à ces nouveaux mouvements sociaux. [...]
[...] Dans une société ouverte, dotée de possibilités de mobilité, l'O.S peut entretenir de façon réaliste un désir d'ascension sociale (Mais en France, cela reste limité sauf le cas des travailleurs immigrés visant à retourner dans leur pays). Les aspirations à la mobilité apparaissent surtout chez les O.S d'origine agricole. A. Touraine peut admettre qu'une telle situation amène bien des O.S à sombrer dans le vide, tel le recours à l'alcool et aux drogues. L'image d'un système qui perpétue l'exploitation et la domination entraîne des sentiments d'impuissance liés à l'idée d'une condition vécue comme inhumaine et absurde. Par conséquent, pour échapper à cette impression de vide, la rêverie permet de lutter contre au cauchemar de la réalité. [...]
[...] Certes, le raisonnement n'est pas forcément très aisé, mais comme disait Boudon, le rôle du sociologue n'est pas de rendre son raisonnement facile à comprendre. De plus, comme le soulignait Boudon, le sociologue est scientifique, et n'a aucun style littéraire. Il est vrai que le mouvement ouvrier n'est pas rédigé dans un style littéraire. Cette démarche possède l'avantage de rendre la lecture plus aisée, accompagnée par la présence d'un plan complet et détaillé mis en évidence tout au long de l'étude. o Le sociologue peut-il ignorer les données économiques ? [...]
[...] Ils «emmenaient bien volontiers avec eux les outils qu'ils avaient fabriqués eux-mêmes. ( ) Des ouvriers qui étaient les seuls à pouvoir faire à la fabbrica ce qu'ils faisaient» car l'acier, ils ne l'avaient plus dans les bras mais dans le cerveau». Ces extraits reflètent les propos de Touraine au sujet de la conscience ouvrière formée sur une sorte de fierté du métier. Enfin, à l'époque du troisième Fausto, fils et petit-fils des précédents, on est à «l'ère des estropiés» qui sont encore présents dans la fabbrica uniquement parce qu'on ne peut les licencier Or ceci fait écho aux législations réglementant la possibilité de licencier certaines catégories d'ouvriers adoptées en France depuis le choc pétrolier du début des années 1970, protégeant notamment les handicapés et les victimes d'accidents du travail. [...]
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